Fragments : cruches, patchwork, statues puissantes

Textes exposition

Par fragments, nous entendons deux catégories d’œuvres : celles qui sont composées de pièces assemblées et celles qui sont tombées en morceaux ou sur le point de le faire.
Ainsi, nous mettons l’accent sur la force de la liaison, sur l’art de la division et sur la
violence de la destruction.

Du simple au précieux, du pratique à l’insolite, de l’évident à l’extraordinaire et de l’aban-
donné au ruiné – dans tous les cas, les fragments sont synonymes de savoir-faire indivi-
duel et de connaissances spécifiques à la culture, de l’Histoire et d’histoires qui parlent parfois aussi de blessures, de plaies et de destruction. Les pièces restent visibles dans
leur caractère fragmentaire et stimulent ainsi l’imagination. De plus, à travers leur
nature et les matériaux utilisés, elles révèlent les besoins et les fonctions culturelles tout
en nous montrant leur dimension esthétique.

Catégories d’œuvres – Les œuvres appartiennent à différentes catégories qui se distinguent par leur mode de création. Qu’il s’agisse d’assemblages délibérément créés, d’objets puissants, de combinaisons amplifiant l’effet souhaité, d’objets du quotidien préservés
de la dégradation, d’objets abandonnés et de fragments de destruction, ils ont tous en commun d’être à la fois des fragments d’histoires et de l’Histoire.

Contextes et perspectives Les fragments renvoient à la restauration ou à la création d’ordres. Ils montrent comment manipuler les matériaux, ils peuvent donner ou retirer
de la force et du pouvoir, requièrent soins et attention et parfois — pour quelque
raison que ce soit — ils doivent être mis au rebut. Les processus de fragmentation se perçoivent différemment selon la perspective adoptée : le point de vue des sociétés
d’origine est parfois fondamentalement différent du point de vue scientifique ; la
dynamique économique entraîne une approche différente de celle qui est régie par des principes éthiques. Pour finir, se pose la question de savoir dans quelle mesure les
musées sont impliqués dans la fragmentation des œuvres, voire dans quelle mesure
celle-ci a été provoquée par eux.

Qualités – Les fragments présentés ont tous des qualités poétiques et esthétiques. Chaque pièce est unique, mais elle témoigne aussi de l’utilisation culturelle spécifique de différents matériaux, de leurs combinaisons et de leurs effets. Les morceaux, éclats, particules et fragments portent en eux le potentiel d’articuler ce qui est opprimé, de placer ce qui est divergent au centre de l’attention ou d’ouvrir de nouvelles perspectives sur les événements
ou sur la vie dans son ensemble. Les musées d’ethnologie notamment devraient également s’occuper de parties, de fragments ou d’éclats, c’est-à-dire d‘œuvres fragmentées, afin de pouvoir faire face à un monde brisé.


De l’écorce de tilleul ou d’érable, des zostères séchées, du varech noir et un grand nombre de joncs sont maintenus ensemble par des ficelles en paille de riz. Pris séparément, ces élé-
ments ne sont guère spectaculaires. Mais c’est leur combinaison, le dégradé de couleurs
et le travail minutieux qui les transforment en un assemblage impressionnant : une cape de pluie japonaise mino. Cette œuvre composée de pièces isolées est un objet d’usage courant. Elle a longtemps été portée pour se protéger de la pluie et de la neige – aussi bien par-dessus l’armure des samouraïs que lors de voyages, de travaux dans les champs ou d’autres tâches
de la vie quotidienne.
Certains personnages du théâtre classique japonais portent un mino, tout comme les hommes qui s’en servent pour se déguiser dans le nord de l’île de Honshu pour dé-
filer dans les rues à la fin de l’année. Plus récemment, le mino est devenu populaire
dans le milieu du cosplay, où les gens se transforment en personnages de mangas et
de dessins animés.
Un mino est à la fois un objet individuel et un ensemble ; sa fabrication témoigne d’un
savoir-faire artisanal et d’une pratique esthétique. Au XVIIe siècle déjà, la cape
inspirait le poète japonais Matsuo Bashô (1644-1694) :

Premiers frissons d’hiver –
Un petit manteau de paille, voilà ce que désire
Même le petit singe !

  1. Cape de pluie mino ; préfecture d’Akita, Japon ; XXe s. ; joncs, écorces, zostères, paille de riz, fibres végétales ; Noemi Speiser, achat 1971, IId 8128

 

Dans son travail, Wallen Mapondera associe des événements nationaux et internationaux
à ses expériences personnelles. À cet effet, il a développé un langage abstrait radical en utilisant des fragments et des objets trouvés : des emballages (par exemple des produits alimentaires comme dans l’œuvre Tribal Print) et des cartons aux coquilles d’œufs, en passant par des bâches de tente déchirées et des vieilles palettes en bois. Il s’intéresse à l’impermanence et au caractère éphémère des significations et des valeurs incarnées dans

ces matériaux. Il se concentre sur les possibilités de transformation inhérentes aux matériaux.

 

2.a.
Tribal Print
Wallen Mapondera, 2017
Carton, fils, techniques mixtes
Courtesy of SMAC Gallery, © Wallen Mapondera
 

L’œuvre Open Secret avec la plaie rouge béante illustre la fragilité des objets et des êtres vivants. Avec cette œuvre, Mapondera dénonce la corruption de l’État zimbabwéen.

 

2.b.
Open Secret
Wallen Mapondera, 2020
Carton, papier ciré, coton, fils cirés sur toile
Courtesy of SMAC Gallery, © Wallen Mapondera

Esthétique des assemblages

Toutes les pièces de cette station sont composées de parties. Parfois, on a utilisé des chutes
de tissu ou des pièces de raccommodage, et parfois des tissus spécialement fabriqués. Les broderies, les pompons, les miroirs, les cauris, les capsules de cardamome et autres
confèrent à ces assemblages une autre dimension. Chaque œuvre témoigne des processus
de fabrication, en combinant ce qui a été planifié avec le hasard, le savoir-faire avec la passion, l’imagination avec la créativité dans la manipulation des matériaux et des ornements textiles.

Nouvelles créations – Si l’assemblage de chutes de tissu était initialement dû surtout à la pénurie des ressources, il s’est transformé en un véritable art dans de nombreux endroits.
Le principe du bricolage consiste à créer quelque chose de nouveau en combinant ce qui
était planifié avec ce qui est trouvé par hasard.

Production et utilisation – Un travail de collaboration se cache dans chacune de ces œuvres et pour chaque utilisation, on représente aussi un statut social. Le travail collectif sur une pièce permet de créer ou de renforcer les liens d’une communauté. Les textiles peuvent indiquer la richesse, le statut, le prestige, l’appartenance religieuse ou l’orientation politique. Certains textiles avaient fait l’objet d’échanges, d’autres faisaient partie de la dot. Certains représentent une vision du monde, d’autres une personnalité individuelle.
La disposition des fragments selon les couleurs, les motifs, les textures et les matériaux donne lieu à des assemblages d’une grande diversité stylistique et d’expression.

Qualités esthétiques — Les pièces incitent à s’interroger sur les valeurs — telles que la beauté — et à remettre en question et reconnaître leur propre pouvoir esthétique. L’association de différents matériaux et de diverses techniques permet à chaque fois
des résultats différents : les œuvres peuvent se ressembler, mais elles ne sont jamais identiques. Chaque œuvre est unique.

Les manches de chemise, les ourlets de jupe et les bordures des costumes traditionnels bulgares sont souvent richement brodés. Ce sont ces ornements élaborés qui font
d’une chemise ou d’une veste une pièce particulièrement précieuse. Ici, de tels
morceaux de vêtements mis au rebut ont sans doute été réunis pour en faire un tapis.
À certains endroits, la couture rouge est clairement visible. La disposition alternée
d’éléments similaires crée un rythme qui donne à l’ensemble du tapis son propre
motif.

  1. Tapis ; Bulgarie ; XIXe siècle ; lin, fils de laine ; succession de Victor Rilliet, August Waldburger, achat 1918, VI 8066


Les quilts en patchwork représentent aux États-Unis le melting-pot des immigrants. Lors du quilting ou du piquage, trois couches – le dessus, le rembourrage et le dessous – sont
cousues ensemble, afin de former des compartiments et d’empêcher le rembourrage de glisser. La surface est constituée de morceaux de tissu cousus ensemble pour former un
motif géométrique. L’illusion optique des cubes empilés est créée par les losanges de tissu
de tons clairs, moyens et foncés. Lors de rassemblements organisés, les Quilting Bees ou
les Quilting Frolics, les femmes se retrouvaient pour travailler sur une pièce de leur propre patchwork ou sur un patchwork commun, tout en bavardant.

  1. Quilt en patchwork Baby Block, Tumbling Block; États-Unis ; sans datation ; tissu toile en coton, ouate de bourrage en coton ; Schule für Gestaltung Basel, don 2016, GM 1985. 3758

 

La réalisation de patchworks à partir de petits morceaux de tissu avait des avantages. Des chutes de tissu minuscules et des morceaux de vieux vêtements permettaient de créer du neuf. On se réunissait pour travailler ensemble sur des unités d’une plus grande pièce.
Par la suite, les unités étaient cousues ensemble. Les tissus de coton imprimés avec des motifs asiatiques, disposés ici en écailles, étaient répandus dans la seconde moitié du
XIXe siècle sous le nom d’Indiennes.

  1. Pièce patchwork Top ; États-Unis ; imprimés textiles : fin du XIXe siècle ; coton ; Joan Kessler,
    New York, don 1981, VI 55517

 

La ville de Panajachel, située au bord du lac Atitlán au Guatemala, est devenue, dans la seconde moitié du XXe siècle, un lieu d’attraction pour touristes et marginaux. Des
produits tels que des sacs à dos ou des vêtements ainsi que de nouvelles techniques,
comme le travail du patchwork, ont été développés pour le marché touristique en
pleine expansion. Dans ce contexte, on introduisait de nouvelles techniques, comme
le travail du patchwork. Pour ce dernier, on utilisait des chutes de tissu ou des textiles abandonnés de différentes traditions locales de tissage maya.

  1. Partie d’un tablier ; Panajachel, Guatemala ; vers 1974 ; coton ; Thomas Meyer, achat 1974, VI 42854

 

Le quilt ralli servait de couverture, de couvre-lit ou de décoration murale. Il se compose
de plusieurs couches de tissu de coton matelassées ensemble en lignes parallèles avec
des points avant. Quilter en Asie du Sud est une activité permettant de renforcer la communauté, à laquelle sont conviées les femmes d’une même famille et des amies. Les tissus et les chutes de tissus reflètent le statut familial et économique des femmes. La particularité de ce ralli réside dans ses motifs en miroir disposés symétriquement : les femmes plient la couche supérieure du tissu et la découpent pour créer le motif.

  1. Quilt ralli; Sindh, Pakistan ; avant 1975 ; coton, colorants synthétiques, miroir ; coll. Georges Gogol, achat 1975, IIa 6324

 

Le vêtement monastique kesa est un tissu rectangulaire cousu à partir de morceaux de tissu assemblés. Le vêtement en chutes de tissu exprime le manque de ressources des moines et des nonnes. Au Japon, des tissus précieux sont offerts aux monastères bouddhistes et transformés en kesa.

Le motif de ce kesa n’est conservé que partiellement : les fils de soie teints foncés se sont dégradés partiellement à cause de l’utilisation de décapants d’oxyde de fer et les autres couleurs se sont estompées. Les bandes de papier plaquées en argent tissées se sont assombries à cause de l’oxydation.

  1. Vêtement monastique kesa ; Japon ; fin XVIIIe/début XIXe siècle ; brocart de soie, soie ; coll. Marianne Gilbert Finnegans, don 1976, par l’intermédiaire d’Eberhard Fischer, IId 8628

 

Les traditions européennes de carnaval mettent en scène différents personnages, dont les costumes sont fabriqués à partir de chutes de tissus ou de pièces de raccommodage. Ce costume a été cousu pour le carnaval de Bâle. Des échantillons de tissus ont été utilisés à
la place des chutes — ils servent à présenter les couleurs et les motifs des tissus proposés
en format pratique. Les échantillons de tissu n’étaient pas destinés à une autre utilisation.
En les transformant ainsi en costume, ils ont eu leur ultime utilité.

  1. Costume de carnaval ; Bâle, Suisse ; vers 1980 ; textile, papier ; Peter Hanauer, don d’une succession 1998, VI 69262

 

Au printemps, de grands troncs de chênes décorés étaient traînés à travers le village dans certaines communes de la région des lacs bernoise. Divers personnages accompagnaient
la fête appelée Trämelfuhr, parmi eux le Plätzlimaa. Son costume est composé d’innombrables morceaux de tissu rectangulaires cousus sur un costume deux pièces.
La découpe en zigzag empêche l’effilochage de l’étoffe et les dimensions similaires des
pièces laissent supposer que les Plätzli avaient été fabriqués spécialement à cet effet.

  1. Veste et pantalon d’un personnage de Plätzlimaa ; Kallnach, Berne, Suisse ; 1950 ; coton, papier ; Fritz Marti, achat 1952, VI 19816.01-02

 

Dans de nombreuses sociétés africaines, la production et la transformation de textiles étaient la tâche des hommes. Ce tissu, en revanche, a probablement été fabriqué par des filles dans une école missionnaire. Il consiste en 163 morceaux rectangulaires de tissus industriels de coton, fabriqués en Europe. Il présente une composition délibérément structurée de différentes bandes longitudinales. Les étiquettes en papier font référence à l’utilisation de restes de différents échantillons de tissu. Il s’agit très probablement d’un tissu utilisé par les jeunes femmes pour apprendre à coudre.

  1. Tissu patchwork ; Ghana ; avant 1981 ; coton, papier ; coll. Mission de Bâle, dépôt 1981, don 2015, III 26484

 

Au Ghana et au Cameroun, les épouses des missionnaires ont appris aux jeunes filles les compétences pratiques de couture. Les cours de couture de l’après-midi sur la véranda
de la maison de la mission étaient destinés à enseigner aux filles la discipline du travail
et le sens du devoir. En même temps, on leur enseignait l’Évangile à travers des
histoires bibliques, des chants et des dictons. La vente des objets issus de ces travaux manuels apportait en outre un petit revenu supplémentaire aux filles — dans la mesure
où il n’allait pas dans la caisse de la mission.

  1. Robe de fille ; Ghana ou Cameroun ; avant 1981 ; coton, papier ; coll. Mission de Bâle, dépôt 1981, don 2015, III 26380

 

Dans de nombreuses régions d’Afrique de l’Ouest et du Nord, les robes en patchwork étaient considérées comme un symbole de pouvoir, de prestige et de dignité. Les tissus en coton de cette robe, imprimés en Europe, imitent les motifs des tissus africains comme le kente et le batik. La robe a été cousue à partir de différents morceaux de tissu par des filles dans des écoles missionnaires. Cette technique leur a permis d’apprendre non seulement à coudre, mais aussi à réutiliser les chutes de tissu de manière économique et à faire du neuf à partir
du vieux.

  1. Robe de fille ; Ghana ou Cameroun ; avant 1981 ; coton, papier, métal ; coll. Mission de Bâle, dépôt 1981, don 2015, III 26479

 

Les groupes Kuba sont connus pour la finesse de leurs tissus en raphia. Les tissus étaient fabriqués en plusieurs étapes de travail collectif : les garçons coupaient la matière
première, les hommes tissaient les étoffes et les femmes y ajoutaient des motifs géo-
métriques complexes en velours ou des applications de tissu. Ce foulard était un vête-
ment des femmes de rang inférieur, qui le portaient lors de cérémonies et de danses.

  1. Foulard ntshak ; Kinshasa, République démocratique du Congo ; XXe siècle ; raphia, applications ; coll. Dieter et Marianne Pfaff-Weber, achat 1986, III 23807

 

Les applications de la robe féminine (jumlo) reflètent les nombreuses influences qui ont façonné la région du Kohistan à travers les échanges commerciaux et les flux de pèlerins.
La région faisait partie du vaste réseau de l’ancienne route de la soie.

Les jumlos sont connus pour leurs broderies et leurs ornements sur les manches, les plastrons et les jupes. Les ornements de boutons métalliques et de pièces de monnaie
tintent à chaque mouvement ; ces sons sont destinés à éloigner tout mal.

  1. Robe de femme jumlo ; Kohistan, Pakistan ; XXe siècle (après 1947) ; coton, perles de verre, boutons, pièces de monnaie, plaques métalliques, argent, laiton, aluminium, plastique ; coll. Alfred Bühler, achat 1974, IIa 5914

 

La blouse pour femme cholo a été confectionnée pour les occasions festives. La composition individuelle des motifs géométriques, des motifs animaliers et végétaux, des applications de miroirs, des pompons en soie et des capsules de cardamome se combine pour créer un vêtement unique. Les couleurs, les formes et les motifs fournissent des informations sur
l’état matrimonial, le nombre d’enfants, l’origine et l’appartenance familiale de la femme
qui les porte. La combinaison et le positionnement des ornements informent de l’identité sociale et du statut de la femme qui la porte au sein de son groupe.

  1. Blouse pour femme cholo ; Sindh, Pakistan ; avant 1972 ; coton, soie, miroirs, cardamome, colorants synthétiques ; coll. Georges Gogol, don de la société Sandoz SA 1972, IIa 5463

Les motifs des robes d’Aïnous en fibres d’écorce d’orme, principalement portés aujourd’hui pour des occasions culturelles et cérémonielles, diffèrent selon le groupe familial. Les
motifs sont intériorisés, de sorte que dans l’esprit des Aïnous, c’est le cœur et non la tête
qui guide la main lors de leur confection. Les tissus de coton colorés utilisés pour les ornements sont importés du Japon ou des pays occidentaux. Comme ils étaient précieux jusqu’au XXe siècle, ils n’étaient utilisés qu’avec parcimonie.

  1. Manteau attush ; Hokkaido, Japon ; milieu du XIXe siècle ; fibres d’écorce d’orme, coton, indigo ; coll. Jaap Langewis, achat 1964, ID 6556

 

La base de ce vêtement est un kimono japonais « aïnouisé » : la forme des manches a été adaptée, le tissu a été doté de motifs appliqués et brodés. Les rubans de coton sont ap-
pliqués sous la forme caractéristique des tourbillons et spirales. Le motif d’épines ou de
dards est brodé au point de tige directement sur le tissu, ajoutant ainsi de la profondeur
au motif.

  1. Vêtement aïnou kaparamip ou ruunpe ; Hokkaido, Japon ; XIXe siècle ; coton, matières colorantes ; coll. W. Koller, achat 1910, IId 627

 

L’intérieur du manteau montre qu’il est composé de plusieurs couches de coton et qu’il a été sans cesse réparé. Ce type de textiles raccommodés est appelé boro. Il a été utilisé du XIXe
au début du XXe siècle dans les régions rurales du nord du Japon. Des chutes de tissu, principalement bleues, ont été assemblées à l’aide de la technique de broderie sashiko, un point avant qui s’étend en lignes parallèles sur le tissu. En même temps, des motifs ont été créés pour revaloriser l’aspect des vêtements rapiécés. L’effet secondaire pratique : les
tissus sont devenus plus épais, plus résistants et plus chauds — un avantage pendant la saison froide.

  1. Manteau hanten ; Honshu, Japon ; fin XIXe/début XXe siècle ; coton, indigo ; coll. Jaap Langewis, achat 1962, IId 6062

 

Pendant les guerres mahdistes (1881-1899), la jibba est devenue un signe de résistance contre la domination coloniale égypto-britannique. Le leader soudanais Muhammad
Ahmad a ordonné à ses partisans de porter la jibba comme signe de leurs convictions religieuses et politiques.

Si les pièces de raccommodage servaient d’abord à réparer les parties endommagées, ils sont devenus des insignes de grade de l’armée. Les rangs inférieurs portaient des vêtements avec des pièces de raccommodage bicolores, ceux des rangs supérieurs étaient plus colorés.

  1. jibba ; Soudan ; fin du XIXe siècle ; coton, laine ; coll. Ludwig Keimer, Fondation C.L. Burckhardt-Reinhart, don 1956, III 14658

 

Les Illanun sont une communauté originaire du golfe d’Illana à Mindanao (Philippines). Ils vivent aujourd’hui à Mindanao, à Sabah (Malaisie) et dans l’archipel de Sulu. Pendant longtemps, ils ont travaillé dans le commerce maritime et ont été craints en tant que guerriers et pirates. Les textiles en provenance d’Inde et de Chine faisaient partie de leurs principaux produits commerciaux. Cette veste combine des éléments d’ici et d’ailleurs pour en faire un vêtement d’avant-garde pour les jeunes hommes : le tissu de coton bleu et rouge importé, le tissu d’ikat local et les paillettes renvoient aux réseaux commerciaux autrefois
très développés.

  1. Veste pour jeunes hommes ; Illanun, Sabah, Malaisie ; avant 1943 ; coton, paillettes ; collectionneur Mattheus Vischer, don de Hans E. Moppert 1980, IIc 18691

 

La blouse de la région du lac Posso a des pointes en coton rouge légèrement plus grandes et un col en coton identique, qui est en outre orné de broderies en zigzag, de couleur blanche
et jaune-orangée, et de pompons de la même couleur.

  1. Chemisier pour femme ; To Pebato, Labungea, district de Poso, Sulawesi central, Indonésie ; avant 1895 ; tissu d’écorce, coton, peinture, ficelle, feuille de palmier ; coll. Paul et Fritz Sarasin, don 1904, IIc 464

 

Les chemisiers pour femmes de Sulawesi sont fabriqués en fuya, un tissu de fibres d'écorce battue et teint en noir. Les vêtements en fuya sont plus simples à fabriquer que les vête-
ments en coton. Cependant, ils ne supportent pas bien l’eau et n’ont qu’une courte durée
de vie. Alors que la production de fuya a cessé dans certaines régions, elle est encore pratiquée ailleurs. De tels vêtements sont aujourd’hui portés principalement lors de cérémonies.

Bien que les matières premières et la forme de ces blouses soient similaires, les groupes ethniques de la région les ont décorées selon leurs propres idées esthétiques : dans
la vallée de Palu, deux pointes en coton industriel rouge ont été appliquées sous les
manches de la blouse. Sur le buste, des lignes de peinture blanche ainsi que des
morceaux de papier argenté sont appliqués à intervalles réguliers.

  1. Blouse pour femme ; Kantewo, vallée de Palu, Sulawesi central, Indonésie ; avant 1953 ; tissu d’écorce, peinture, papier argenté ; Paul Schudel, don 1953, IIc 14568

 

Les Guna au Panama et en Colombie désignent par mola (pl. molagana) des pièces textiles rectangulaires. Les femmes qui confectionnent une mola cousent deux voire plusieurs
tissus de coton rectangulaires colorés les uns sur les autres. Ensuite, les principaux
éléments de conception sont dessinés sur le textile et les motifs sont découpés dans la
couche supérieure, de sorte que la couche du dessous soit visible. En plus de ce revers appliqué, les couturières utilisent l’appliqué traditionnel en cousant des motifs découpés
à partir de chutes de tissu sur les autres couches textiles. Pour les épaules et les manches
des chemisiers mola, on utilise généralement des morceaux de tissu de fabrication et d’impression industrielles.

  1. Chemisier mola, Guna, Ustupu, Gunayala, Panama ; 1963 ; coton ; coll. Adolf Richard Herrmann, achat 1964, IVb 3858

 

La mola est aujourd’hui considérée comme l’expression matérielle de l’identité Guna par excellence. Il s’agit toutefois d’une création des femmes Guna de la fin du XIXe siècle.
Au contact des missionnaires, de nouveaux concepts moraux tels que la couverture du haut du corps sont arrivés chez les Guna. Les femmes transféraient les peintures corporelles
sur les vêtements comme une sorte de peau supplémentaire. Dès 1918, les molagana revêtaient pour les Guna une importance telle que l’État panaméen interdisait le port
du chemisier mola. Les tentatives d’assimilation de l’État ont échoué en 1925 avec la révolution des Guna. En 1938, un territoire autonome a été créé, administré par les Guna eux-mêmes. À partir des années 1960, la vente de blouses molagana et mola aux touristes
et aux musées est devenue une importante source de revenus. Depuis, on utilise aussi des machines à coudre.

  1. Chemisier mola, Guna, Ustupu, Gunayala, Panama ; 1963 ; coton ; coll. Adolf Richard Herrmann, achat 1964, IVb 3852

 

Les Guna associent les motifs et les blouses mola à la création du corps, à la reproduction humaine, à la beauté et à l’ordre social. Le sac amniotique d’un fœtus, représente pour
eux la première mola, cousue par des créatures féminines dans le monde invisible. À la naissance, les sages-femmes interprètent les motifs de l’enveloppe fœtale qui révèlent les aptitudes et les caractéristiques du nouveau-né. Au sens figuré, la couture d’une mola
à la main représente le style de vie tranquille des femmes et la coexistence pacifique de
la famille et de la communauté Guna.

  1. Chemisier mola, Guna, Ustupu, Gunayala, Panama ; 1963 ; coton ; coll. Adolf Richard Herrmann, achat 1964, IVb 3870

 

Cette écharpe confectionnée à partir de trois bandes de tissu se compose de 70 rectangles rouges sur la surface centrale. 24 cercles en coquilles de cauris sont appliqués sur toute
la surface. Vieille de presque 100 ans, cette écharpe appartenait à Toshi Wungtung, ethnologue et député du Nagaland récemment décédé. Son grand-père a eu le privilège
de la porter après avoir prouvé qu’il était un guerrier couronné de succès. Lorsque lui
et son épouse organisaient aussi des fêtes de mérite, les coquilles de cauris pouvaient
être appliquées : c’était un signe de statut élevé et de prospérité pour les personnes en question et leurs familles.

  1. Cape/écharpe rehükhim ; Yimchungrü-Naga, village de Sangpurr, district de Tuensang, Nagaland, Inde ; vers 1930 ; coton, armure toile (Kettreps), inscriptions ornementales brochées, coquilles de cauris ; Shri Toshi Wungtung, don 2006, IIb 3993

La force des combinaisons

Dans de nombreuses cultures, des substances et matériaux de différents domaines sont combinés pour donner de la force aux objets. À partir de parties en elles-mêmes insignifiantes, de puissantes combinaisons sont créées. Selon l’utilisation des pièces et les représentations culturelles, certaines pratiques sont également nécessaires pour activer la force d’un tel objet.

Bases La production d’une œuvre puissante à partir de pièces isolées nécessite une structure de base : un vêtement, une statue, un panier, un support en bois ou en carton. Sur ou dans la structure de base, on assemble ou on applique des objets caractérisant une utilisation ultérieure, qui peuvent influencer de manière décisive le résultat souhaité.

Gain de puissance Une pièce puissante est rarement créée dans un seul processus de production. Au contraire, des connaissances accrues, l’expérience personnelle, la reconnaissance de ce qui a été fait et l’immersion spirituelle s’inscrivent dans un complément continu de l’ensemble. Il arrive qu’un tel objet soit lié à une seule personne et ne soit donc achevé qu’à sa mort. D’autres pièces, en revanche, ne sont pas liées à une personne, sont héritées et peuvent (en théorie) être complétées à l’infini par d’autres éléments. Chaque élément supplémentaire augmente la force de l’ensemble.

ActivationUne œuvre composée de pièces isolées n’est souvent efficace que lorsqu’elle est activée. Pour cela, il faut généralement un spécialiste capable de gérer la force et de la canaliser. En enfonçant un clou, en remplissant une trousse médicale, en appliquant un ressort métallique, il procède à l’extension combinatoire, ou du moins la surveille. Ceci est généralement accompagné d’actes rituels sur ou avec l’objet.

 

Egungun désigne une « mascarade » et les rituels associés. À ce jour, ils ont lieu au sein de groupes parlant yorouba en l’honneur des ancêtres pour s’assurer de leur soutien.

Les ensembles sont complétés chaque année par des tissus et des ornements précieux. Les normes esthétiques les plus élevées s’appliquent à la conception ; plus l’origine et la disposition des matériaux sont diverses, plus l’apparence est impressionnante et plus l’ancêtre est puissant ; la puissance de ce dernier s’exprime dans les mouvements de danse.

  1. Mascarade egungun ; Yorouba, République du Bénin ; avant 2001 ; bois, couleur, acier, coton, laine, velours, peluche, fibres synthétiques, mousse de polyuréthane, fourrure, cauris, perles de plastique, de verre, paillettes ; coll. David Mensah, achat 2001, III 27401.01-05

 

Les chaman*trices de Sacha vainquent la maladie, récupèrent les âmes « égarées », participent aux efforts économiques et prédisent les événements futurs. Pour ce faire, ils ont besoin de l’aide d’êtres spirituels, dont on pensait qu’ils étaient présents dans les ornements du vêtement jusqu’au XXe siècle.

Ces objets métalliques transmettaient leur force à la personnalité chamane dès qu’elle les portait. Au cours d’une carrière, des objets métalliques ont été ajoutés lorsqu’un·e chamane pouvait mettre d’autres êtres spirituels en service. Ainsi, le nombre de pièces était corrélé avec le pouvoir chamanique.

  1. Vêtement chamanique ; Sakha (Yakoutes), République de Sakha de la Fédération de Russie ; avant 1913 ; fourrure, cuir, alliage de fer, alliage de cuivre, fibre végétale ; peut-être collectionné par Nikolas Vasilyev, un employé du Musée de l’empereur Alexandre III ; coll. Eugen Alexander, achat 1922, VII 597

 

Il y a des associations de chasseurs dans toute l’Afrique de l’Ouest. Les hommes qui se sont organisés ainsi chassent et fournissent de la nourriture. Ils disposent en outre de connaissances médicales et de pouvoirs spirituels, imposent le respect et jouissent d’une bonne réputation sociale. Leurs principes éthiques y contribuent : ne pas mentir, ne pas voler, ne pas tricher, protéger la communauté, respecter et soutenir l’association des chasseurs.

Les aptitudes d’un chasseur, ses succès et son impact dans la société sont visibles dans les ornements de sa chemise.

  1. Chemise de chasseur ; Sénoufo, Côte d’Ivoire ; avant 1965 ; coton, peinture, cuir, dents d’animaux, autres matières animales et végétales ; coll. René David, achat 1965, III 16841b

 

Lors de son initiation dans la forêt, un chasseur apprend à connaître la faune et la flore, ses composantes et ses effets. Il apprend comment extraire des substances efficaces à partir de matières organiques et comment les traiter pour guérir ou pour nuire. Il aiguise son sens de l’orientation, observe le comportement de sa proie et apprend à éviter les dangers. Plus un chasseur a d’expérience, plus sa chemise se « remplit ».

  1. Chemise de chasseur ; Man, Côte d’Ivoire ; avant 1933 ; coton, cuir, fourrure, plumes, peau et os d’animaux, griffes ; coll. Paul Wirz, achat 1933, III 8035

 

Au cours des dernières décennies, les associations de chasseurs ont pris en charge de nouvelles fonctions. Elles se sont engagées dans des domaines de la société civile ou ont assuré la sécurité des frontières nationales sur mandat de l’État. Les chasseurs sont aussi intervenus activement dans les débats politiques et ont parfois revendiqué une position centrale dans l’ordre étatique.

  1. Chemise de chasseur ; Togo ; avant 1913 ; coton, cauris, calebasse, peau de serpent, plumes, fibres végétales ; coll. Julius August Konietzko, achat en 1913, III 4094

 

Au XIXe siècle, la conquête coloniale et la pénétration missionnaire des territoires d’Afrique de l’Ouest entraîne un affaiblissement temporaire des associations de chasseurs. En conséquence, les chemises ont été nettement moins décorées avec des amulettes, des trousses médicales et des fragments animaux. Selon le missionnaire Andreas Bauer, le propriétaire de cette chemise de chasseur serait devenu chrétien.

  1. Chemise de chasseur ; Asante, Ghana ; avant 1906 ; coton, alliage de cuivre, cuir, autres matières animales et végétales ; collectionné par le missionnaire Andreas Bauer, coll. Mission bâloise, dépôt 1981, don 2015, III 26439

 

Les chemises des chasseurs se distinguent par leurs techniques de fabrication, leurs coupes, le choix des couleurs, leurs traces d’usure et leurs ornements. Ces ornements impressionnent par leur variété : Outre les trophées animaux tels que cornes, griffes, os, on remarque les amulettes recouvertes de peau, de fourrure ou de cuir, qui contiennent des substances actives et protectrices.

  1. Chemise de chasseur ; Cameroun ; avant 1952 ; coton, cuir, corne d’antilope, peau et os d’animaux, métal ; Lorenz Eckert, échange 1952, III 11965

 

Au Mali, des chasseurs se sont engagés dans des projets de développement à partir des années 1990. Mais ils sont également associés à des actions paramilitaires et on les perçoit comme des fauteurs de troubles notoires, ce qui explique pourquoi beaucoup les craignent.

Les chemises de chasseurs se caractérisent parfois par des cordons lâches ou des fils avec des nœuds. Il s’agit de formules incantatoires cryptées : Si, lors de la fabrication, on crache sur les cordons ou les nœuds, ceux-ci absorbent la force de la salive et la capturent.

  1. Chemise de chasseur ; Dogon, Bamako, Mali ; avant 1973 ; coton, tôle métallique ; coll. Renée Boser-Sarivaxévanis & Bernhard Gardi, achat 1974, III 20694

 

Lors des apparitions publiques des associations de chasseurs — défilés, funérailles, rituels avec sacrifices pour éviter les dangers tels que les morsures de serpents ou les attaques de gros gibier —, les musiciens proposent des chants de louange au son de la kora et du balafon. Ces musiciens jouent exclusivement pour les chasseurs. Eux aussi portent des chemises couvertes d’amulettes et d’indices de connaissance de la forêt, dont la coupe et la conception diffère toutefois de celles des chasseurs.

  1. Chemise (sans doute) d’un musicien ; Bamana, Mali ; avant 1969 ; coton, peau de léopard, cauris, cuir, poils, plumes, autres matières animales ; L. Doumbia, achat 1969, III 18076

 

On peut se demander si ce fragment, confectionné à partir d’un tissu européen orné de caractères arabes et d’amulettes en cuir, fait réellement partie d’une chemise de chasseur, comme le prétend le missionnaire Bauer. Des amulettes protectrices ont également été appliquées sur d’autres vêtements.

  1. Fragment de chemise de chasseur (?) ; Ghana ; avant 1909 ; coton, encre (?), cuir, autres matières animales et végétales ; collectionné par le missionnaire Andreas Bauer, coll. Mission bâloise, dépôt 1981, don 2015, III 26440

 

Les puissantes statues minkisi avaient de nombreuses fonctions : elles ont été utilisées dans le cadre de l’application de la loi, de la jurisprudence, des traités et des guerres. Elles pouvaient promouvoir le bien-être et la fertilité, guérir les maladies, protéger des accidents ou prévenir les influences négatives, mais aussi nuire ou punir. Les rituels, les personnes impliquées, la taille et l’équipement de la statue variaient selon leur utilisation – que ce soit pour un souverain, un groupe familial ou un événement spécifique.

Ici, la position du corps et de la main signalent un défi et une volonté d’attaquer.

  1. Statue de puissance nkisi nkonde; Yombe, République démocratique du Congo ; avant 1908 ; bois, kaolin (?), ocre, métal, résine, dents d’animaux, textile, miroir ; ancien propriétaire Carl Hoppe, Leopold Rütimeyer, don 1909, III 2807

 

Les minkisis étaient remplis de substances médicinales placés dans les conteneurs sur le ventre, les épaules ou le dos. Pour être efficace, un personnage devait être activé par un spécialiste, autrement dit chargé des énergies du royaume des morts et des ancêtres. Chaque objet métallique incrusté devait inciter la statuette à « accomplir » la tâche demandée.

Le nkisi nkondi (chasseur-nkisi) au poing levé montre une volonté d’agression, qui a été utilisée dans le cadre de poursuites judiciaires, de la « chasse au malfaiteur ».

  1. Statuette de puissance nkisi nkonde ; République démocratique du Congo ; XIXe siècle ; bois, kaolin (?), résine, métal, verre, textile, fibre végétale ; coll. Heinrich Umlauff, achat 1902, III 391

 

Si une statuette n’avait plus d’effet, elle était abandonnée. C’était le cas lorsque les règles n’étaient pas respectées ou lorsque des éléments étaient supprimés de l’objet.

La plupart des statues puissantes dans les musées manquent de « médecine », elles ne peuvent donc plus agir. La raison pour laquelle tous les composants ont été retirés de cette statuette n’est pas évidente. Les clous coûteux ont-ils servi ailleurs ? Ont-ils été utilisés pour une nouvelle statuette ?

  1. Statuette de puissance nkisi nkonde ; Yombe, République démocratique du Congo ; avant 1912 ; bois ; Museum für Völkerkunde Hamburg, échange 1912, III 4019

 

Sur cette statuette, on remarque des bandes de tissu lâches. Certes, de nombreuses statuettes sont équipées de tissus autour du cou, de la tête ou du corps. Ceux-ci doivent « lier » la sculpture à une personne vivante ou décédée. En revanche, les bandes textiles en vrac sont rares ; lorsqu’elles bougeaient dans l’air, elles montraient que la statuette était active.

  1. Statuette de puissance nkisi ; Bakongo (?), République démocratique du Congo ; avant 1909 ; bois, textile, fibre végétale, plumes, métal, résine, peinture, verre ; ancien propriétaire H. Salomon, Fritz Sarasin, don 1909, III 3024

 

L’utilisation de matériaux importés, et donc coûteux, tels que le verre, les miroirs et le métal, pour fabriquer les puissantes statuettes souligne l’importance croissante du commerce entre la côte ouest africaine et l’Europe à partir du XVIIIe siècle.

Malgré la colonisation et l’évangélisation, les minkisis sont restés en usage jusqu’au XXe siècle.

  1. Statuette de puissance nkisi; Katanga, République démocratique du Congo ; avant 1911 ; bois, résine, chaux, textile, verre, coquillage, métal, fibre végétale ; coll H. Salomon, achat 1911, III 3670

 

Bien que les officiers coloniaux et les missionnaires tentent d’empêcher l’utilisation des puissantes statuettes, leur importance locale augmenta avec la colonisation du territoire congolais vers la fin du XIXe siècle. Elles ont été utilisées pour assurer la cohésion, mais aussi pour résister. Les bâtons de bois représentent la défense contre les forces du mal.

Parfois, les fonctionnaires coloniaux se seraient servis eux-mêmes de la force et du pouvoir d’un nkisi.

  1. Statuette de puissance nkisi ; Yombe, République démocratique du Congo ; avant 1909 ; bois, métal, textile, résine, fibres végétales, autres matières végétales ; ancien propriétaire H. Salomon, Leopold Rütimeyer, don 1909, III 3025

 

Le groupe Teke entretient également un lien étroit avec ses ancêtres et les puissantes statu-
ettes en sont des médiateurs. Pour ces statuettes, des substances puissantes mélangées à de l’argile ou de la résine sont également appliquées sur le buste. Lors de l’ornementation, l’expert rituel utilise souvent des objets sur lesquels les défunts ont laissé leurs traces. L’activation d’une statuette s’accompagne d’un rituel au cours duquel elle est aspergée de liquides, de sorte que des couches de croûtes apparaissent sur son corps. Plus la croûte était épaisse, plus la puissance de la statuette était sollicitée, entretenant ainsi la « flamme des ancêtres ».

  1. Statuette de puissance biteki ; Teke, République démocratique du Congo ; avant 1919 ; bois, raphia, pâte de résine, autres matériaux végétaux, perles de verre ; Henri Gangloff,  chat 1919, III 5078

 

Une statuette biteki reçoit des substances puissantes dans une ouverture au niveau du torse ou du dos, des matériaux supplémentaires sont appliqués à l’extérieur de la statuette.

Le présent biteki est accompagné de trois petites statuettes : sur le côté droit, on en trouve deux, qui sont liées à la chasse et sur le côté gauche, on voit un vieil homme couvert de cicatrices ornementales et équipé d’un couteau et d’une gourde en citrouille. Les statuettes sont « attachées » à la statue centrale avec de la résine, peut-être pour aider le personnage principal dans sa tâche.

  1. Statuette de puissance biteki ; Teke, environs de Mbé, République du Congo ; avant 1931 ; bois, pâte d’argile et de résine, cauris, plumes, coton, peinture, matériaux végétaux ; coll. Stéphen-Charles Chauvet, achat 1931, III 7131

 

Sakpata est la divinité des maladies, en particulier de la variole, et de la fertilité. Aujourd’hui encore, elle est crainte et vénérée. Correctement utilisée, elle devrait éloigner ou guérir les maladies. Les différents récipients sur la statuette contiennent les substances utilisées pour la défense ou le traitement. Les cauris marquent les endroits où la variole était visible chez les malades. Les rituels et les sacrifices protégeaient également de cette maladie, tout comme l’immunisation — par exemple par le biais de tatouages cicatriciels — et l’isolement des malades.

  1. Statuette Sakpata ; acquise à Soené, Togo, en provenance de l’État du Bénin ; avant 1980 ; bois, textile, cauris, os d’animaux, verre ; Marianne Fiechter-Bischof, don 1983, III 23539

 

Dans le groupe Fang, la conservation de fragments osseux de défunts faisait partie de la vénération des ancêtres. Ces récipients byeri étaient généralement placés dans un coin sombre de la maison, et ce n’est que pour certains rituels qu’ils étaient transportés dans la forêt. C’est là que les fragments osseux étaient retirés, lavés, décorés et nourris avec le sang d’un animal sacrifié, de la viande, du manioc, des bananes et de l’eau potable. Les vivants demandaient ainsi l'aide de leurs ancêtres, par exemple pour la construction
d’une maison, la chasse, la récolte, les voyages ou les campagnes de guerre.

  1. Reliquaire byeri ; Fang, Gabon ; avant 1909 ; écorce, bois, textile, cauris, perles de verre, alliage de cuivre ; coll. Charles Hermann, achat 1909, III 2829

 

Chaque reliquaire des Fangs était associé à une statuette gardienne. Si l’ensemble était séparé, le byeri perdait sa force si importante pour les vivants. Avec son rejet des pratiques religieuses locales, l’évangélisation a changé le culte des ancêtres. Lorsque la possession d’un reliquaire est devenue problématique, les Fangs ont abandonné leurs rituels byeri. Ils ont été remplacés par le culte des ancêtres à travers des chants, de la musique, des danses et des discours – sans reliquaires.

  1. Reliquaire byeri ; Gabon ; XIXe siècle ; écorce, bois, os, ongle, plume, peau de serpent, tissu libérien, poudre rouge ; coll. Charles Hermann, don 1905, III 2007

 

Cet ensemble a été déposé au musée sans cadre. Les fragments d’os sont attribués à des saints dont les noms sont inscrits sur des bandes de papier rouge. Ils doivent porter en eux le pouvoir miraculeux des saints. Cet ensemble était destiné à protéger un ménage – notamment « contra daemones et tempestates », c’est-à-dire contre les démons et les tempêtes, comme il est écrit au-dessus de la médaille de cire.

  1. Bénédiction de la maison ; environs de Rankweil, Vorarlberg, Autriche ; Agnus Dei XVe siècle, ensemble XVIIe siècle ; fragments d’os, cire, lin, brocart, soie, dentelle, bordures, cannetilles, papier, métal ; Emanuel Grossmann, achat 1958, VI 23927a

 

L’effet des reliques peut également être combiné avec la puissance des symboles, par exemple avec la croix comme symbole central du christianisme. La valeur de chaque relique s’appuie sur la croyance en la crucifixion et la résurrection du Christ. Les saints sont ainsi sauvés, comme le religieux ou la religieuse devant une croix. De ce fait, il ou elle se sentira rappelé à faire partie de la communauté chrétienne.

  1. Crucifix et particules de reliques ; Suisse ; XIXe siècle ; bois, verre, os, papier, textile, cire ; Jakob Lörch, achat 1911, VI 4679
  2. Croix-reliquaire ; Suisse ; vers 1920 ; papier, textile, fil d’or ; Eugen Zschokke, don 1927, VI 10442

 

Les petites capsules en bois, en métal et en textile contiennent des particules de reliques chrétiennes, souvent étiquetées avec une bande de papier. Il ne s’agit généralement pas de fragments réels du corps d’un ou d’une sainte, mais de morceaux de tissu ou d’autres matériaux qui ont été en contact avec le cadavre. Eux aussi sont considéréscomme salutaires. Dans une capsule reliquaire, il est possible de combiner les pouvoirs miraculeux de différents saints afin de garantir la plus grande protection possible, par exemple en voyage - plus il y en a, mieux c’est.

  1. Capsules reliquaires tournées ; Lucerne, Suisse ; XIXe siècle ; bois, papier, plâtre, textile ; Jakob Lörch, achat 1910, VI 4261, VI 4262
  2. Capsule reliquaire tournée ; Jura bernois, Suisse ; XIXe siècle ; bois, papier, plâtre, textile ; E. Röthlisberger, achat 1943, VI 16958
  3. Capsule reliquaire à accrocher ; Zoug, Suisse ; XVIIIe siècle ; laiton, fil d’or et d’argent, papier, textile ; Jakob Lörch, achat 1913, VI 5586
  4. Capsule reliquaire à accrocher ; Zoug, Suisse ; XVIIIe siècle ; laiton, cire, papier, textile ; Jakob Lörch, achat 1922, VI 9603
  5. Médaillon reliquaire ; Suisse ; XVIIIe siècle, carton, papier, fil d’or ; Ernst Alfred Stückelberg, don 1909, VI.3339
  6. Poire avec des particules de reliques ; Bregenzerwald, Vorarlberg, Autriche ; XVIIIe siècle ; velours, carton, papier, fil d’or ; Hubert Bühler, achat 1958, VI 24195

 

Au cœur de l’image, une médaille de cire : un « Agnus Dei », fait à partir de la cire de
la bougie de Pâques, orné du relief de l’Agneau de Dieu et béni par le pape. Son effet protecteur est complété par de minuscules paquets de reliques presque invisibles
entre les pierres de verre colorées. Une relique n’a pas besoin d’être visible pour être considérée comme puissante.

  1. Agnus Dei encadré ; Suisse (?) ; médaillon en cire 1892 ; monture vers 1900 ; bois, verre, textile, cire, fils d’or et d’argent, pierres et perles de verre, paillettes ; Werner Jaggi, achat 1980, VI 52419

 

Au centre de cette image se trouve la puissance des stigmates du Christ. La silhouette à l’aquarelle au milieu montre la plaie en forme d’amande dans une auréole, au-dessus
des outils de torture. Sur une bande d’écriture exactement de la longueur de la plaie,
on lit « La Mesure de la Ste Playe de J.C. ». Les dimensions de la plaie, ainsi que
d’autres parties du corps du Christ, sont considérées comme miraculeuses, au même
titre que les reliques. D’autres particules de reliques se trouvent dans les vrilles de
papier roulées de manière décorative.

  1. Paperolles avec relique et image en coupe transversale ; Savoie, France ; vers 1850 ; bois, verre, papier, textile ; Mme Stoecklin (antiquaire), achat 1962, VI 28083

 

L’original médiéval de cette image de Marie est vénéré à Genazzano, en Italie, à l’est de Rome. Il est considéré comme miraculeux et est l’une des images miraculeuses les plus copiées en Europe. On peut voir son image dans plusieurs chapelles du canton de
Schwytz. Les copies des images miraculeuses sont également considérées comme
puissantes. Les exemplaires qui ont été peints sur place et qui ont été en contact avec l’original ont une valeur particulière. Comme pour les reliques de contact, la puissance d’action passe, ici aussi, d’une matière à l’autre.

  1. Image miraculeuse de S. Maria del buon Consiglio ; Schwytz, Suisse ; XVIIIe siècle ; bois, textile, gaze, papier, feuille de métal, perles, flux de verre, fragments d’os, pierre ; gravure coloriée ; Alois Blättler, achat 1953, VI 19861

 

La boîte à image documente un pèlerinage privé en Terre Sainte vers 1860 : du bois de palmier du jardin de Gethsémani, une pierre du mont des Oliviers, des petites branches et des particules de reliques de lieux saints comme la Sainte Maison de Nazareth et le Temple de Salomon ont été rassemblés et arrangés. En dessous, tel un autel, on voit une gravure qui porte l’inscription « Nazarenus Rex Jude » inversée et avec des abréviations. Le fait que des objets naturels tels que des pierres ou des branches de Jérusalem puissent être vénérés montre clairement que certaines reliques ne s’éteignent jamais, qu’elles sont disponibles infiniment.

  1. Souvenir de Jérusalem ; Menzingen, Suisse ; vers 1860 ; bois, verre, carton, papier, textile, feuille de métal, nacre, or, flux de verre, pailles en plastique, fil d’argent ; Jakob Lörch, achat 1912, VI 5416

Le sertissage, c’est-à-dire l’arrangement, la décoration et le cadre d’une ou de plusieurs reliques, a souvent été effectué dans des monastères de femmes ; c’est pourquoi ces œuvres sont également appelées œuvres monastiques. Le travail de pièces miniatures a pris beaucoup de temps et de concentration et a été pratiqué comme un exercice d’immersion spirituelle. En même temps, leur vente apportait des revenus supplé-
mentaires aux monastères.

La forme de cette œuvre monastique est rare. Les paquets sont étiquetés comme des
reliques des saints Séverin, Donat, Félix et comme Agnus Dei.

  1. Travail monastique avec des reliques ; Vienne, Autriche ; milieu du XVIIIe siècle ; bois, verre, soie, fil métallique, paillettes, feuillettes d’étain, galets en verre, perles de verre ; Gabriele Folk-Stoi, achat 1965, VI 31754

 

Les objets rassemblés dans le panier des Ngaju devaient permettre de contacter des êtres dans l’au-delà afin d’aider les gens dans tous les domaines de la vie. Il s’agit notamment de bonnes récoltes, d’un enrichissement rapide, d’une protection contre l’hostilité et les maladies ou d’une défense contre les influences négatives. La condition de l’assistance était que le panier soit accroché au plafond en signe de promesse : après une assistance réussie, un sacrifice doit être offert. L’effet combiné des différents éléments promettait un bien-être complet.

  1. Panier salang uei avec 52 adminicules karohei ; Ngaju ; Kuala Kapuas, Kalimantan central, Indonésie ; avant 1934 ; rotin, céramique, bois, dents et crânes d’animaux, textile, pierre, métal ; Mattheus Vischer, don 1934, IIc 3088

 

Valeur du réparé

Les biens matériels sont fragiles et éphémères. En plus de l’accident malencontreux, c’est surtout l’usure du temps qui les ronge. Les techniques et les pratiques de réparation permettent de retarder ces processus. Les résultats sont déterminés par les stratégies de préservation, les matériaux et les outils utilisés. De plus en plus, les initiatives visant à lutter contre la société de gaspillage et contre l’obsolescence programmée des produits gagnent en importance.

Soin Une réparation est une remise en état active d’un objet cassé. Plutôt que de le mettre au rebut, la personne qui le répare choisit de remettre l’objet en état fonctionnel. Les facteurs décisifs peuvent être la nécessité économique, l’idée de durabilité, un lien émotionnel, mais aussi une attention justifiée par des raisons politiques ou philosophiques.

Compétences Les récipients en métal, calebasse, en bois, en céramique, en pierre ou en plastique nécessitent différentes techniques de réparation qui dépendent des compétences, des connaissances et des idées des personnes qui les réparent. Elles consacrent du temps, de l’énergie et généralement des matériaux supplémentaires pour rendre à un objet sa fonctionnalité.

Un morceau de l’histoire de l’objet Certains récipients ont été réparés par les propriétaires précédents·tes ou par des spécialistes. Dans d’autres cas, le traitement n’a été effectué que par les collaborateurs·trices du musée. Ce n’est que depuis la professionnalisation des métiers de la restauration dans la seconde moitié du XXe siècle que le traitement artisanal d’un objet se distingue sensiblement d’une restauration. Ainsi, jusqu’aux années 1990, il est souvent impossible de déterminer la date de réparation d’un objet. Ce qui est sûr, c’est que chaque intervention et chaque réparation entraînent une modification matérielle d’un récipient — et deviennent donc aussi une partie de son histoire.

 

«Lestu mich auf einen stein springen, so werden meine scherben klingen. Anno 1734» (« Si tu me laisses tomber sur une pierre, mes éclats sonneront. Année 1734 »). Avec ce dicton, la cruche met en garde contre sa propre fragmentation.

  1. Cruche ; Alsace ou sud-ouest de l’Allemagne ; 1734 ; terre cuite, glaçure ; Josef Anton Häfliger, don 1933, VI 11481

 

Des traces noires à l’intérieur de cette cruche indiquent la consommation de thé. La pièce en céramique s’est autrefois brisée en plusieurs morceaux. Elle est assemblée à trois endroits avec un fil d’alliage ferreux. Pour fixer les fils, la théière a été percée. Des parties de la glaçure sont écaillées sur le couvercle.

  1. Cruche ; Suisse ; XIXe siècle ; faïence, glaçure, métal ; Jakob Lörch, achat 1910, VI 3412

 

Le collectionneur a supposé que la cruche servait à conserver des denrées alimentaires comme la farine de manioc, qui permet de préparer la bouillie de fufu, aliment de base en Afrique de l’Ouest et Centrale. Mais dans de telles cruches à goulot étroit, on conservait aussi de l’eau ou de l’huile. Les parties manquantes font supposer une reconstitution dans le musée, puisqu’elles ne permettent plus à la cruche de remplir
sa fonction d’origine.

  1. Cruche ; Nigeria ; avant 1911 ; céramique, colle ; coll. Ernst Barth, don 1911, III 3833

 

Dans les ménages d’aujourd’hui, on rencontre des objets en plastique aux fonctions les plus variées. Ils ne sont généralement pas chers et sont robustes à l’usage. Mais ils peuvent aussi subir des dommages. Entre-temps, il est possible de réparer également des récipients en plastique afin qu’ils ne finissent pas à la poubelle.

Les bioplastiques fusibles sont proposés en petites portions pour l’usage domestique. Le contact avec l’eau chaude le rend doux et malléable. Dans cet état, il permet de réparer les points de fracture, de coller les poignées et les anses ou comme pour ce cruche, de  les remodeler. Les récipients en plastique ainsi réparés remettent en question la société de gaspillage.

  1. Cruche ; Suisse ; 2021 ; plastique, bioplastique ; Florence Roth et Andi Winter, don 2022,
    VI 72219.01-02

 

Les récipients en argile sont parfaits pour conserver l’eau. Comme ils sont poreux et respirants, ils refroidissent l’eau et la gardent fraîche. Ce récipient a servi de modèle pour la mesure de volume kulleh ou kula, qui était utilisée en Afrique du Nord pour mesurer l’huile et d’autres liquides.

Nous ne savons pas dans quelles circonstances cette carafe à eau s’est cassée. On sait qu’elle
 a fait l’objet d’une restauration muséale : le récipient a été collé, les parties manquantes ont été comblées avec du mastic en plâtre et on a poursuivi le motif existant. Les interventions permettant de conserver l’objet restent visibles.

  1. Carafe à eau kulleh ; le Caire, Égypte ; avant 1873 ; céramiques, adhésifs, suppléments de plâtre ; coll. Fritz Zahn-Geigy et Karl Zahn-Burckhardt, don 1873, III 103

 

Il est étonnant que la forme originale de ce pot ait pu être reconstituée, car il reste à peine la moitié du matériau d’origine. Les six fragments ont été assemblés dans le musée.

La cruche provient de la région de la chaîne de montagnes Tassili n’Ajjer dans le Sahara, connue pour ses peintures rupestres et ses sites archéologiques vieux de 10 000 ans. Selon le collectionneur, ces fragments ont été retrouvés à la surface, mais ils sont probablement d’origine néolithique.

  1. Récipient ; Algérie ; sans date ; céramique, colle ; coll. Maximilien Bruggmann, achat 1963, III 16222

 

Jusqu’au XXe siècle, de nombreux ménages suisses se servaient de chaudières et de pots en cuivre. Ceux-ci étaient soit accrochés sur un cintre au-dessus du feu, soit placés directement dans le feu ou sur la  cuisinière. Des trous se sont ainsi formés au fond, sur les bords ou sur les parois. La plupart des réparations étaient effectuées par des artisans itinérants. Ils martelaient un morceau de tôle rectangulaire, le posaient sur l’endroit à réparer, le fixaient des deux côtés avec des rivets et brasaient parfois la tôle en plus.

  1. Chaudières en cuivre ; Suisse centrale ; vers 1900 ; cuivre, étain ; Hans Peter Weber, don 1993, VI 66278

 

La pâte à pain a été travaillée et cuite dans ce bac en cuivre. Pour ce faire, des braises étaient placées sur le couvercle et le métal conduisait la chaleur vers l’intérieur. Après avoir été abimés, les bords ont été finement découpés, emboîtés les uns dans les autres et soudés à l’aide d’un alliage d’étain à l’intérieur et à l’extérieur — le métal de soudure se distingue nettement.

  1. Bac pour la cuisson du pain ; Jakarta, Java, Indonésie ; avant 1898 ; cuivre, soudure à l’étain ; coll. Paul et Fritz Sarasin, don 1898, IIc 23

 

Les trous dans le pot sont cachés par des réparations. La plupart du temps, les chaudronniers étamaient les récipients après une réparation. C’est le cas de cette chaudière, qui a ensuite été remise en service. Cet artisanat était très répandu jusqu’au XXe siècle. De telles chaudières en cuivre rappellent les traditions de réparation d’autrefois.

  1. Marmite ; Bâle, Suisse ; vers 1900 ; cuivre, étain ; Emma Sophie Von der Mühll-Kern, don d’une succession 1939, VI 15498

 

On ne sait pas quand ce bol s’est cassé, on peut seulement lire sur la fiche : « Était cassé, a été  reconstitué. » Beaucoup de matière a été perdue le long des bords de la fracture, c’est pourquoi les fragments ne s’emboîtent pas exactement les uns dans les autres.

  1. Bol ; Bedja ; désert de Nubie, Égypte/Soudan ; avant 1956 ; céramique, colle ; coll. Ludwig Keimer, Fondation C.L. Burckhardt-Reinhart, don 1954, III 14527

 

Felix Speiser a collectionné plus de 3000 objets du Vanuatu, dont de nombreux récipients en argile. Certains de ces récipients se sont cassés. Sur les fiches, il les a fidèlement reproduits, avec le plus grand soin, dans leur état intact, et n’a pas noté de mention des réparations. Ne se sont-ils brisés qu’au musée ? Certains fragments ont également été perdus.

Speiser a observé que ce récipient était utilisé comme ustensile de cuisson. Cependant, il n’a jamais été placé directement sur le feu ; pour chauffer les liquides, des pierres chauffées ont dû être placées dans le pot.

  1. Plat creux ; Pespia, Espiritu Santo, Vanuatu ; avant 1912 ; argile, colle ; coll. Felix Speiser achat 1910 à 1912, Vb 4715

 

Dans de tels plats creux, des plats préparés pour des communautés comme les familles étaient probablement servis directement à table. De gros dégâts sont visibles, tout le fond était arraché. Les personnes qui les ont réparés ont réassemblé le bol à l’aide de fils métalliques. Pour ce faire, l’argile a été percée, un fil de fer a été passé au travers, puis torsadé à l’extérieur. La réparation a probablement eu lieu peu après qu’il se soit cassé, car il n’y a pratiquement pas de débris de matière sur les bords de la fracture,
les débris étant reliés avec précision.

  1. Plat creux ; Rotenhof, Küssnacht am Rigi, Schwyz, Suisse ; XIXe siècle ; terre cuite, glaçure ;
    Jakob Lörch, achat 1910, VI 4321

 

« Gesundheit und frieden haben sind zwei schöni Gotteßgaben x 1829 x (« Avoir la santé et la paix sont deux beaux dons de Dieu x 1829 x »). La coupe était-elle éventuellement utilisée les dimanches ou les jours fériés pour rappeler son propre bien-être et exprimer sa gratitude ?

La coupe était autrefois en morceaux. Avec des agrafes métalliques, elle a été réparée par une main inconnue. À un endroit, une fracture traverse un trou de perçage. Ce dommage est probablement survenu lors de la réparation — ironiquement, il a déclenché d’autres mesures. Cependant, les interstices béants nous indiquent que la coupe n’était plus adaptée à un usage quotidien ; elle a probablement été « préparée » pour le commerce d’art ou d’antiquités.

  1. Coupe ; Langnau, Emmental, Berne, Suisse ; 1829 ; terre cuite, glaçure, métal ; coll. Jakob Wiedmer-Stern, achat 1906, VI 1442

 

La coupe aurait pu servir d’assiette à soupe. La cassure en deux moitiés a été réparée avec de la colle. Le long du bord de la fracture et du récipient, des parties de la glaçure sont écaillées.

  1. Coupe ; Langnau, Emmental, Suisse ; 1823 ; terre cuite, glaçure, colle ; coll. Jakob Lörch, achat 1906, VI 1441

 

Le trou dans la coupelle en pierre était recouvert d’un morceau de métal et les deux étaient reliés par un rivet. La combinaison de la pierre et du métal réunit deux matériaux résistants, donnant au récipient un attrait particulier. 

  1. Coupelle en pierre ; Touareg ; Oasis Abardak, Air-Bergland, Niger ; avant 1970 ; pierre, laiton ; coll. René Gardi, Depositum FMB 1970, III 18013

 

L’évaluation experte et l’appréciation des ustensiles de thé par les invité·e·s font partie de la cérémonie du thé japonaise. Une réparation kintsugi souligne le caractère particulier d’un bol à thé que les invité·e·s respectent et apprécient.

Le Gewerbemuseum a acheté le bol à thé japonais en 1935 à l’antiquaire juif allemand Felix Tikotin. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Tikotin et sa famille ont dû se cacher. Après 1945, Felix Tikotin reprit son travail comme marchand d’art pour Asiatica.

  1. Bol à thé chawan ; Japon ; XVIIe/XVIIIe siècle ; argile, glaçure, laque urushi avec pigments dorés ; coll. Gewerbemuseum Basel, achat chez Félix Tikotin en 1935, IId 10766

 

Au Japon, une réparation en or, selon la technique kintsugi, est utilisée pour des pièces de céramique ou de porcelaine et parfois de bambou. Les fragments sont collés avec de la laque urushi et les défauts sont comblés. Une fine poudre d’or, d’argent ou de platine est saupoudrée dans la dernière couche de laque. Cela accentue les lignes de fracture au lieu de les masquer. La réparation en or valorise non seulement l’aspect visuel de la tasse à thé, mais lui permet de faire partie d’un principe esthétique qui souligne la valeur de l’imperfection et de l’instabilité.

  1. Bol à thé japonais chawan ; Japon ; XVIIe siècle ; argile, glaçure, laque urushi avec pigments d’or ; coll. Gewerbemuseum Basel, achat chez A. Sautier vers 1935, IId 10769

 

Contrairement aux récipients en argile, les calebasses sont légères, mais tout aussi fragiles. Les fissures sont réparées ; les joints de réparation prouvent non seulement la valeur de ces récipients, elles sont aussi des décorations esthétiques. Au Mali et en Côte d’Ivoire, les épouses des sculpteurs se spécialisent dans la réparation des calebasses et offrent leurs services sur les marchés. Dans cette coupe, de petits trous ont été percés avec une tige de fer des deux côtés de la fissure, et celle-ci a été fermée à l’aide d’un cordon de fibre végétale comme matériau d’étanchéité et cousue avec une fibre résistante et flexible. La « cicatrice » rend le point de rupture visible.

  1. Calebasse ; Bamako, Mali ; avant 1987 ; calebasse, fibre végétale ; coll. Bernhard Gardi, achat 1987, III 24800

 

Les gourdes sont cultivées dans les zones tropicales et subtropicales. Pour en faire des récipients, les écorces charnues des fruits sont raclées et séchées à l’air. Il en résulte des récipients durs, adaptés à la conservation et au transport de liquides tels que l’eau, le lait et la bière.

Les fissures dans la calebasse ont été soigneusement réparées avec des fils de feuilles de palmier et des cordelettes. La coupelle a encore été brisée lors du transport du désert nubien à Bâle. Afin de lui assurer une seconde vie en tant qu’objet de musée, les points de fracture ont été collés.

  1. Calebasse ; Bedja ; désert de Nubie, Égypte/Soudan ; avant 1954 ; calebasse, fibre végétale ; coll. Ludwig Keimer, Fondation C.L. Burckhardt-Reinhart, don 1954, III 13136

 

Avant que la mise au rebut d’objets endommagés ne devienne la norme au XXe siècle, la réparation était considérée comme un travail quotidien dans de nombreux endroits. Les fissures de cette calebasse très utilisée ont été cousues avec du cuir. Les pratiques de réparation permettent non seulement de prolonger la durée de vie des objets, elles témoignent également de la compétence technique et de la transmission du savoir.

  1. Calebasse ; Bedja ; désert de Nubie, Égypte/Soudan ; avant 1954 ; calebasse, fibre végétale ; coll. Ludwig Keimer, Fondation C.L. Burckhardt-Reinhart, don 1954, III 13137

 

Les bacs à crème sont tournés à partir d’une seule pièce de bois. Le lait est laissé au repos dans les bacs, également appelés Gebse, pour être écrémé. Après quelques heures, l’épaisse couche de crème peut être écumée à la surface. Les fissures sur les bacs ont été réparées à l’aide de différentes techniques. Les petites fissures sont consolidées avec des agrafes. Quand le bord s’abimait on faisait des trous dans le bois en surface et on fixait une pièce de métal au bord.

  1. Bac à crème Gebse ; Toggenburg, Saint-Gall, Suisse ; vers 1900 ; bois, métal, peinture ; Emanuel Grossman, 2009, VI 70518.05+02

 

Les membres des Shipio-Conibo utilisent ces plats en bois multifonctionnels pour préparer et servir des aliments.

Une grande variété de techniques a été utilisée pour réparer ce récipient en bois. Une fissure a été fixée par deux agrafes ; en outre, la personne qui l’a réparée a utilisé un morceau de tôle pour renforcer un point de fracture du bord. Le métal s’est à nouveau détaché — seuls les clous qui contiennent les derniers restes sont conservés. Il est possible qu’un clou ait aggravé les fissures.

  1. Plat en bois ; Shipibo-Conibo, station missionnaire Bethel, Ucayali, Pérou ; avant 1968 ; bois, métal ; coll. Gerhard Baer, achat 1968/69, IVc 14530

 

Les anciens nés propriétaires utilisaient probablement ce récipient en bois pour préparer la pâte à pain.

Les nœuds du bois exposent le récipient aux fissures et aux trous. À un endroit, une large fente a été recouverte d’une bande de métal. Mais la réparation est également éphémère ; le matériau supposé plus résistant s’est décomposé et en grande partie détaché. 

  1. Récipient en bois ; Duboševica/Vardarac, Osijek-Baranja, Croatie ; vers 1900 ; bois, métal ; coll.
    Etelka Liptak, achat 1984, VI 59420

 

La cuillère en bois était utilisée autant pour cuisiner et mélanger que pour manger. La fissure à côté de la poignée est maintenue par six courtes broches métalliques en forme de S. La réparation soigneuse pourrait rendre compte de l’attention particulière qu’on lui porte — d’autant plus que le bois est un bien rare au Sahara et dans la région du Sahel.

  1. Cuillère en bois assilcao; Touareg ; Tombouctou, Gundam, Mali ; avant 1946 ; bois, métal ; coll.
    Jean Gabus, achat 1946, III 9388

 

La coupe en bois ornée d’entailles servait de vaisselle pour manger. La pièce cassée au bord est refixée sur l’intérieur par deux agrafes métalliques dont les extrémités sont tordues ensemble à l’extérieur. La trace de la fissure a été accentuée par des clous métalliques brillants.

  1. Coupe en bois ; Ennedi, Tchad ; avant 1957 ; bois, tôle métallique ; coll. Peter Fuchs, achat 1957, III 14790

 

La taille impressionnante de ce récipient en bois rend compte de son utilisation lors de manifestations communautaires formelles et informelles. Lors d’un repas de fête, on y servait des plats tels que du porc, de l’opossum ou des légumes.

Les fissures sur le récipient ont été réparées des deux côtés à l’aide de broches métalliques, puis scellées avec une pâte noire. Il pourrait s’agir de mastic provenant du noyau tendre du fruit du parinari. Les endroits recouverts de mastic de parinari sont étanches. Nous ne savons pas qui a effectué les réparations.

  1. Récipient en bois ; Manus, Papouasie et Nouvelle-Guinée ; avant 1919 ; bois, métal ; J. Weber, achat 1919, Vb 4976

Laisser à l’abandon

Lorsque les objets « ont fait leur temps », on les laisse parfois à l’abandon — ils sont jetés, emportés dans la forêt, remis à la rivière ou exposés aux intempéries. Cette pratique est souvent liée à la mort. Dans de nombreuses cultures, la fin de la vie comporte des risques pour les survivants, une réorganisation des relations sociales et de fortes émotions. En de nombreux endroits, des rituels parfois somptueux permettent de commémorer les défunts, de surmonter les pertes et d’assurer l’avenir des personnes touchées.

De simples enveloppes – Dans les musées, se trouvent des objets qui se rapportent à l’aspect matériel de la mort. Il peut s’agir d’objets qui étaient étroitement liés à des individus et qui ont, pour cette raison, été traités de manière agressive après le décès ou exhibés. Après cela, ils n’étaient plus considérés que comme de la simple matière — comme une enveloppe vide — qui devait être mise au rebut.

Commémoration – Pour commémorer les morts et leurs actes, pour accompagner les défunts dans l’autre monde et pour assurer leur assistance aux vivants, les survivants doivent respecter certaines règles et pratiquer des rituels. Il peut s’agir de la construction d’un monument ou d’un ouvrage, de la réalisation d’une stèle ou d’une statue. De telles œuvres sont généralement érigées en plein air, où elles se détériorent lentement.

Héritage – La mise au rebut d’objets peut être liée à l’héritage et à la transmission de privilèges. Lorsque ces objets ont rempli leur rôle temporaire, par exemple en tant que témoins dans un cycle rituel, ils sont exclus du cycle de la création, de la transmission et de la disparition et doivent se dissoudre.

 

malagan désigne, outre des sculptures, des cérémonies associées, organisées en l’honneur des défunts après de longs préparatifs. Pendant les rituels, les œuvres sont considérées comme vivantes. Au plus fort des festivités, de telles frises sont exposées, appréciées et admirées. Immédiatement après leur présentation publique, elles sont jetées et laissées à l’abandon. À mesure que la demande de ces œuvres d’art augmentait, les habitants de la Nouvelle-Irlande ont commencé à vendre les œuvres directement aux marchand·e·s et aux collectionneurs·euses·après les rituels.

  1. Frise malagan ; Beilifu, Nouvelle-Irlande, Papouasie-Nouvelle-Guinée ; avant 1931 ; bois (Alstonia scholaris), pigments, coquille d’escargot ; coll. Alfred Bühler, achat 1932, Vb 10578

 

Les pièces de portes latérales abandonnées étaient un élément important de l’architecture locale. Dans les maisons des chefs, le conseil des anciens décidait des alliances, des guerres ou du règlement des différends. Symboliquement, cette signification a été reprise dans l’architecture des maisons. L’entrée était flanquée de portes latérales richement ornementées qui protégeaient la maison. Elles représentaient les gardiens du clan et servaient d’intermédiaires entre l’esprit des morts et les actions des vivants.

Les rites funéraires pour un Kanak de haut rang comprenaient une cérémonie spectaculaire. Les oncles maternels exprimaient leur chagrin à la mort de leur neveu en frappant les portes latérales avec des haches. Les sculptures étaient alors blessées au visage ou au torse.

  1. Pièce de porte latérale ; Kanak, Hienghiene, Nouvelle-Calédonie ; avant 1912 ; bois, peinture ; coll. Fritz Sarasin, don 1913, III 2629

 

Les plus petites maisons étaient équipées de portes latérales étroites. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le deuil n’était pas seulement dirigé contre ces pièces de portes en tant que représentations des ancêtres ; les cocotiers, les bordures plantées et les effets personnels du défunt étaient également exposés à des attaques.

  1. Pièce de porte latérale ; Nakéty près de Canala, Nouvelle-Calédonie ; avant 1912 ; bois, peinture ; coll. Fritz Sarasin, don 1913, III 2622

 

La société Kanak a changé à partir de 1853 avec la colonisation, ce qui a entraîné l’extraction des matières premières, l’utilisation de leurs terres comme colonie pénitentiaire, l’introduction de maladies et une décimation drastique de la population. L’évangélisation a commencé en 1840 et a eu un impact majeur sur les pratiques religieuses des Kanaks. Il s’agissait également de rituels de deuil et de pratiques funéraires. Par la suite, des pièces de portes latérales plus étroites ont parfois été transformées en cercueils qui ressemblent à des coffres décorés.

Le visage blessé montre une bouche encadrée par des dents avec une langue coupée.

  1. Pièce de porte latérale ; Canala, Nouvelle-Calédonie ; avant 1912 ; bois, peinture ; coll. Fritz Sarasin, don 1913, III 2637

 

Les membres des Konso faisaient fabriquer de telles stèles waka pour des défunt·e·s distingué·e·s. Même après leur mort, leur tâche reste d’assurer le bien-être et la fertilité de leur groupe. Les stèles incarnent des valeurs telles que l’intelligence, le courage, la bravoure, l’intrépidité et l’efficacité. Elles sont considérées comme un exemple et une motivation pour les jeunes hommes.

La statue masculine est fortement effritée. Malgré la dégradation, on peut supposer qu’il s’agit d’une coiffure relevée ou d’une coiffe, les deux présentant l’ancêtre comme un héros.

  1. Stèle waka ; Éthiopie ; avant 1977 ; bois ; coll. Francis Bourgogne, achat 1977, III 21326

 

L’érection officielle d’un waka est effectuée lors d’une cérémonie d’enterrement somptueuse, accompagnée de chants de louange des actes et des mérites du défunt. Par ce rituel, une personne décédée devient un ancêtre. Les waka sont placés sur les routes, les carrefours, les lieux publics ou comme pierres tombales sur les champs et dans les bosquets. Au fil du temps, les statues perdent leurs traits et leurs contours. Après trois ou quatre générations, non seulement le bois se décompose, mais la mémoire collective s’estompe également.

  1. Stèle waka ; Éthiopie ; avant 1977; bois ; coll. Francis Bourgogne, achat 1977, III 21324

 

Les statues faisaient partie d’un cycle de fêtes où des privilèges étaient transmis. À cette fin, des partenariats rituels couvrant des générations et des ethnies étaient conclus. Les partenaires s’aidaient mutuellement et assumaient chacun des tâches rituelles lors des fêtes de l’autre. Mais dans le cas présent, le responsable de la fête n’a pas respecté les règles : au lieu d’apporter les statues dans la forêt ou de les jeter dans une rivière après la fin du cycle festif, il les a gardées. Face à la critique de son voisinage, il a laissé les statues
au collectionneur Gasché.

  1. Statue masculine foonhunraaga ; Ivo’tsa (Ocaina), Murui (Witoto) ; La Chorrera, Colombie ; vers 1963 ; bois (apijona), pigments ; coll. Jürg Gasché, dépôt dans les années 1970, achat 2017, IVc 26752

 

Au cours de plusieurs cérémonies, les privilèges rituels étaient transmis : lors de la première fête, les statues étaient sculptées et habillées, tandis que lors de la deuxième fête, elles étaient déshabillées, peintes et chantées. Le père transmit ainsi à son fils son nom et ses droits sur le cycle festif. Pendant les deux premières cérémonies, les statues étaient les filles et les fils l’être créateur. Le responsable de la cérémonie, représentant l’être créateur, les traitaient comme leurs propres enfants pour assurer la pérennité de la famille. Après la dernière fête, le partenaire rituel dut abandonner les statues dans la forêt pour qu’elles y pourrissent ou les jeter dans une rivière.

  1. Statue masculine foonhunraaga ; Ivo’tsa (Ocaina), Murui (Witoto) ; La Chorrera, Colombie ; vers 1963 ; bois (apijona), pigments ; coll. Jürg Gasché, dépôt dans les années 1970, achat 2017, IVc 26753

 

foonhun désigne un esprit qui s’échappe du corps à la mort. Certains objets qui incarnent des esprits sont laissés à la décomposition lorsqu’ils ne doivent plus remplir leur fonction.

Les statues foonhunraaga suivaient un cycle de vie lié à une succession de fêtes. Par des actes rituels et des activités artisanales, elles sont nées et ont participé à des relations économiques, sociales et religieuses. Si les statues avaient été remises dans la forêt ou dans une rivière, leurs corps se seraient décomposés et les âmes des enfants de l’être créateur auraient été libérées pour un nouveau cycle.

  1. Statue féminine foonhunraaga ; Ivo’tsa (Ocaina), Murui (Witoto) ; La Chorrera, Colombie ; vers 1963 ; bois (apijona), pigments ; coll. Jürg Gasché, dépôt dans les années 1970, achat 2017, IVc 26754

 

Dans de nombreuses sociétés indonésiennes, le bien-être dans ce monde dépend de la bienveillance du défunt dans l’autre monde. De ce fait, les funérailles peuvent s’avérer somptueuses. Les statues commémoratives sont des éléments importants lors des funérailles à Kalimantan. Elles montrent souvent des caractéristiques de la personne décédée et révèlent sa position dans la communauté. La statue sur tabouret est typique des Bahaus et des groupes voisins sur la rivière Mahakam. Après les funérailles, les statues restent devant les appartements des familles et les protègent alors qu’elles se dégradent lentement.

  1. Statue commémorative des morts ; Lawangan ; Kalimantan central, Indonésie ; avant 1987 ; bois, résidus de peinture ; ancienne propriétaire Anne Morley, FMB, dépôt 1987, IIc 20273

 

La statue commémorative des morts des Ngajus ou des Ot Danums, au sud du Kalimantan central, a été réalisée pour la grande fête des morts tiwah. Les parties importantes de la fête sont la réinhumation des os, le guidage des âmes des défunts vers l’au-delà ainsi que la purification et le retour des survivants à une vie normale. Les imposantes sculptures commémorent les défunt·e·s tout en leur rendant hommage. En revanche, les morts protègent leurs descendants et assurent leur bien-être. 

  1. Statuette commémorative des morts kapatong ou tempatong ; Ngaju ou Ot Danum ; Kalimantan central, Indonésie ; avant 1982 ; bois, résidus de peinture ; Galerie Porchez Paris, achat 1982, IIc 19865

 

La statue féminine a jadis décoré la pointe d’un poteau sacrificiel. On attache aux poteaux sacrificiels les buffles d’eau sacrifiés dans le cadre de la fête des morts tiwah. À la fin de la fête de 33 jours, les poteaux sacrificiels sont déplacés vers une zone désignée du village avec d’autres structures érigées pour la fête. Orientés vers la rivière ou le lever du soleil, ils y survivent pendant de nombreuses décennies avant de perdre lentement leurs caractéristiques distinctives et de se décomposer sous l’effet des intempéries.

  1. Partie d’un poteau sacrificiel sapundu ; Ngaju ; Kuala Kapuas, Kalimantan central, Indonésie ; avant 1935 ; bois de fer ; recueilli par Mattheus Vischer, Coll. Mission bâloise, dépôt 1981, don 2015, IIc 22048

 

Auparavant, les défunts roturiers dans la région de Minahasa, en Sulawesi (Indonésie), étaient enterrés dans de simples cercueils en bois : un segment d’un tronc d’arbre évidé était enfoncé verticalement à moitié dans la terre, le défunt était placé en position accroupie et le cercueil était recouvert d’une pierre. On ne sait pas comment et pourquoi les collectionneurs ont acheté le cercueil. Voulaient-ils sauver le matériau éphémère de la décomposition ? Ou documenter une pratique funéraire?

  1. Cercueil en tronc d’arbre ; district de Sonder, région de Minahasa, Sulawesi du Nord, Indonésie ; avant 1894 ; bois, restes de peinture ; coll. Fritz et Paul Sarasin 1894, don 1904, IIc 333a

 

  1. Certain Fragments
    Heinz Gubler
    Installation vidéeo, 3:23
    © Heinz Gubler

 

Points de rupture

Les fragments sont le résultat de pratiques de division. Les musées, le commerce d’objets d’art et les collectionneurs·euses privé·e·s ont été et sont impliqués : l’objet est divisé, scié, coupé, démembré et souvent réassemblé en quelque chose de nouveau. Ceci s’observe notamment dans le cas de représentations figuratives — par exemple lorsque des parties du corps ou des parties génitales manquent ou lorsque des plaques en relief, des socles ou des frontons sont ôtés des bâtiments. Dans de nombreux cas, ces éléments faisaient partie de l’environnement (domestique) représentant des idées sociales, culturelles ou religieuses. Seuls les points de rupture rendent compte des liaisons qui ont été coupées, détruites ou conservées.

Texture – Les points de rupture peuvent être anguleux, pointus, fendus, arrondis, mais aussi former des surfaces lisses ou des trous d’insertion — en bref : il s’agit de toute structure qui indique une ancienne continuation ou en donne une idée. Ce sont les témoins de pratiques de division passées. Les points de rupture étaient dissimulés avec de la colle, du mastic ou des socles ; la limite entre conservation, endommagement, réparation et présentation est souvent étroite.

Têtes et corps – De nombreuses têtes sans corps et des statues endommagées font partie de la collection. Alors que certaines montrent clairement des signes de violence, dans d’autres, les ruptures indiquent des signes de vieillissement, de fragmentation naturelle ou d’usure. Si des espaces restent vides, des questions se posent sur ce qui manque.

Architecture Les sculptures, les reliefs ou les surfaces peintes sont l’expression de la créativité des gens dans leur environnement architectural. Qu’il s’agisse de représentations ancestrales, de motifs religieux ou de statues mythologiques : pour qu’ils deviennent des objets de musée, il fallait d’abord les rendre « collectionnables ». Des éléments architecturaux ont été démantelés, démolis, sciés ou récupérés dans des bâtiments déjà en ruine avant de les faire entrer dans le « marché des objets ».

Les intentions derrière les pratiques de division ne sont pas toujours compréhensibles d’un point de vue contemporain et peuvent rarement être reconstituées. Dans de nombreux cas, il n’est pas possible de savoir si ce sont des motifs religieux, la soif de collectionner ou le hasard qui ont joué un rôle, et si la fragmentation s’est faite de manière volontaire ou involontaire.


Dans les représentations préhispaniques, la tête est le siège de l’identité d’un individu. Selon le principe pars pro toto, une tête représentait à la fois le corps entier et la personne représentée elle-même. Les têtes faisaient donc l’objet d’une attention particulière lors de la création. Les identités étaient exprimées à travers des attributs tels que la coiffure et les bijoux ou la représentation des yeux, de la bouche, du nez et des oreilles.
Selon le contexte culturel, les statues entières rendaient compte des idées du corps humain ou représentaient des personnalités individuelles, des ancêtres ou des divinités. Chez les Aztèques, de telles statues étaient l’expression de la religiosité populaire et étaient fabriquées pour des rituels domestiques de guérison ou de fertilité.

106.-108.     
Tête de guerrier jaguar ; Aztèques ; Mexique central ; 1350-1521 ; argile ;
Deux têtes de divinités ; Aztèques ; Mexique central ; 1350-1521 ; argile ;
toutes de la coll. Lukas Vischer, collectionnées de 1828 à 1837, IVb 708, IVb 871, IVb 1027
 

109.-112.
Tête ; Teotihuacan ; Azcapotzalco, Mexique ; 600-900 ; argile ;
deux têtes ; Chichimèques ; Mexique central ; 600-900 ; argile ;
Tête ; Aztèques ; Mexique central ; 1350-1520 ; argile ;
toutes de la coll. Aline Kugler-Werdenberg, don 1948, IVb 1748, IVb 1746, IVb 1749,IVb 1750
 

113.-114.     
Deux têtes ; Teotihuacan, Mexique central ; 600-900 ; argile ; coll. Mario Uzielli, achat 1947, IVb 1722, IVb 1727
 

115.
Tête ; Teotihuacan, Mexique central ; 600-900 ; argile ; coll. W. Münsterberger, don 1946, IVb 1703
 

116.-120.     
Deux têtes ; Tlatilco, Mexique central ; 1300-800 av. J.-C. ; argile ;
Tête ; Azcapotzalco, Mexique ; 200 av. J.-C.-650 apr. J.-C. ; argile ;
Deux têtes ; Teotihuacan, Mexique central ; 250-800 apr. J.-C. ; argile ;
toutes de la coll. Hans Annaheim, achat 1949 de la coll. Feuchtwanger, IVb 2298, IVb 2299, Vb 2300, IVb 2301, IVb 2302
 

121.
Tête ; Teotihuacan, Mexique central ; 600-900 ; argile ; coll. Gotthelf Kuhn, legs 1975, IVb 4599

D’une part, il existe un processus naturel de fragmentation des figurines enfouies dans le sol, causé par une pression et une friction permanentes ou par la fatigue des matériaux aux extrémités fragiles. D’autre part, de nombreuses découvertes indiquent une fragmentation délibérée de figurines et de grandes œuvres plastiques. La décapitation rituelle dans le cadre de cérémonies domestiques, de profanations de bâtiments ou de cérémonies du feu nouveau est bien connue. Lors de celle-ci, on éteignait les feux pendant cinq jours et on détruisait les ustensiles de ménage et les représentations « d’idoles ». Le premier jour de la nouvelle année, lors d’une cérémonie solennelle de renouvellement, les feux étaient rallumés et les articles ménagers échangés.

122.
Tête ; Zapotèques ; Oaxaca, Mexique ; 600-900 ; argile ; coll. Antonie Staehelin-Schaarwächter, don 1950, IVb 1902

123.-126.
Tête ; Mexique central ; 1200-200 av. J.-C. ; argile ;
Tête ; Mexique ; sans date ; argile ;
Têtes ; côte du Golfe, Mexique ; 300-900 ; argile ;
Tête ; Mayas ; Mexique ; 600-900 apr. J.-C., argile ;
toutes de la coll. Lukas Vischer, collectées 1828-1837, IVb 1053, IVb 425, IVb 399, IVb 420

127.-128.
Deux têtes ; Huasteca, Mexique ; 300 av. J.-C.-200 apr. J.-C. ; argile ; coll. Ernst A. Ritter, legs 1968, IVb 4206, IVb 4208

129.-131.
Trois têtes ; Mexique ; 700 av. J.-C.-100 apr. J.-C. ; argile, pigments de couleur ;
toutes de la coll. Locher, achat 1971, IVb 4395, IVb 4396, IVb 4397

132.-133.
Tête ; Mexique ; 600-900 ; argile, couleur ;
Tête ; côte du golfe ; Mexique ; argile ;
toutes de la coll. Ernst et Annemarie Vischer-Wadler, legs 1996, IVb 5436, IVb 5437

 

De nombreuses têtes en argile sont arrivées au musée sans contexte de découverte. Cela rend les interprétations difficiles, voire impossibles. Le manque de contexte et l’usure avancée des points de rupture empêchent de déterminer quelle fragmentation a été voulue et laquelle s’est produite naturellement. En outre, en l’absence de représentation de la coiffure ou de bijoux, une association culturelle est impossible. C’est également le cas des simples contrefaçons de modèles originaux fabriquées depuis le XIXe siècle.

134.-135.
Tête ; côte du Golfe, Mexique ; 600–900 ; argile, pigments ;
Trois têtes ; Mexique ; sans date ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectionnées de 1828 à 1837,
IVb 421, IVb 419, IVb 1129, IVb 1133

136.-141.
Quatre têtes ; Mexique ; sans date ; argile ; coll. Antonie Staehelin‑Schaarwächter, don 1951,
IVb 2317, IVb 2331, IVb 2337, IVb 2340

La transformation des matériaux joue un rôle central dans les mythes fondateurs du Mexique. L’argile est un matériau qui se transforme grâce à l’intervention humaine. Lors de la création des figurines par modelage, un corps se forme et se développe. Cet acte de création devient quelque chose de durable en transformant l’argile en céramique. Les figurines, comme les corps humains, sont à la fois résistantes et vulnérables. Pour les cultures du Mexique préhispanique, la création de figurines en terre cuite est interprétée comme une réflexion sur la fragilité de l’existence humaine.

Les têtes en argile étaient des objets de collection populaires pour les musées, les voyageurs·euses et les collectionneurs·euses. Avec leurs caractéristiques physiques et leurs représentations exotiques, les têtes ont façonné les perceptions occidentales des personnes d’autres cultures. Cependant, ces têtes n’étaient
pas des représentations fidèles de la réalité. La transposition des normes sociales à la représentation de la tête et du corps exigeait de la part des artistes non seulement de se pencher sur les fondements philosophiques de leur culture, mais aussi de prendre des décisions concrètes : à quelle échelle une tête ou
un corps sont-ils représentés ? Quels sont les aspects physiques mis en avant ou omis ?

142.
Tête ; Mexique occidental ; 100 av. J.-C.-300 apr. J.-C. ; argile ; coll. René M. Falquier, dépôt 1972 ; AMDep Falquier 46

143.
Tête ; Mexique occidental ; 300 av. J.-C.-300 apr. J.-C. ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectées
1828-1837, IVb 396

144.
Tête ; Mexique ou Guatemala ; 300-900 ; argile ; coll. Carl Gustav Bernoulli, don 1878, IVb 394

145.-146.
Deux têtes Smiling Faces; côte du Golfe, Mexique ; 600-900 ; argile ; coll. Ernst et Annemarie Vischer-Wadler, legs 1995, IVb 5438, IVb 5439
 

147.-150.
Tête Smiling Face ; côte du Golfe, Mexique ; 600-900 ; argile, couleur ;
Tête ; côte du Golfe, Mexique ; 600-900 ; argile,couleur ;
tête d’une sculpture creuse ; côte du Golfe, Mexique ; 500-700 ; argile ;
tête d’une sculpture creuse ; côte du Golfe, Mexique ; 200-500 ; argile, couleur ;
toutes de la coll. René M. Falquier, achat 1972, IVb 4504, IVb 4501, IVb 4526, IVb 4539

151.-152.
Deux têtes ; côte du Golfe, Mexique ; 300-900 ; coll. Lukas Vischer, collectionnée 1828 et 1837, IVb 395, IVb 398

153.
Tête ; côte du Golfe, Mexique ; 600-900 ; argile, couleur; coll. René M. Falquier, achat 1972, IVb 4500

 

« La tête en pierre est également d’origine khmère, très délavée sur le visage, mais si elle est bien placée et éclairée du haut, ce qui est certainement possible chez vous, son expression peut être très bien mise en valeur » (Rolf Eisenhofer à Fritz Sarasin, 6.12.1929).

  1. Tête d’une statue de bouddha ; Lop Buri, Thaïlande ; sans date ; grès ; ancien propriétaire Rolf Eisenhofer, Jacques Brodbeck-Sandreuter, don 1929, IIb 310

 

Les points de rupture du cou et de la tête révèlent le sort des pièces couchées. Quel que soit le matériau, elles indiquent la violence de la coupe. Les trous, chevilles en bois ou tiges métalliques sont les témoins silencieux des présentations passées et de l’esthétisation de leur endommagement.

  1. Tête d’une sculpture en pierre ; région antique du Gandhara, Pakistan ; sans doute IIe- IVe siècle ; calcaire, sans doute travertin ; coll. Jean Eggmann, don 2003, IIa 11338
  2. Tête d’une statue de bouddha ; Lop Buri, Thaïlande ; sans date ; grès, pigments de couleur, bois ; ancien propriétaire Rolf Eisenhofer, Alfred Sarasin, don 1931, IIb 314
  3. Tête d’une statue de bouddha ; Cambodge ; sans doute XIe-XIIe siècle ; grès, traces de colle et de pâte, Gotthelf Kuhn, legs 1975, IIb 3179

 

« Nous nous déplacions souvent dans une petite rue du quartier chinois, où les prêteurs sur gages et les marchands d’antiquités avaient installé leurs étals. Nous avons constitué ici une petite collection pour notre musée […] Les sanctuaires de ce pays, surtout ceux du nord, ont été terriblement pillés. Plus tard, nous avons vu des centaines de bouddhas décapités debout dans les temples » (Rudolph Iselin, 1949).

Les deux têtes sont fixées sur des socles et ne peuvent être ôtées qu’avec le risque de dommages supplémentaires. Mis en scène de la sorte, l’acte de « décapitation » tombe dans l’oubli.

  1. Tête de statue de bouddha sur socle ; Bangkok, Thaïlande ; sans date ; alliage de cuivre ; coll. Rudolph Iselin, legs en 1963, IIb 2154
  2. Tête de statue de bouddha ; Bangkok, Thaïlande ; sans date ; alliage de cuivre, restes d’une étiquette ; coll. Rudolph Iselin, legs 1963, IIb 2155

 

Une tête de bouddha sans corps est l’expression d’une appropriation violente, qui ne respecte pas le sentiment religieux des pratiquants. Détachées de leurs corps et soigneusement alignées, les têtes se transforment en objets d’art.

  1. Tête d’une statue de bouddha ; nord de la Thaïlande ; XVIIe-XVIIIe s. ; bois, restes de dorures ; coll. Werner Rothpletz, don d’une succession 1980, IIb 3465
  2. Tête d’une statue de bouddha ; Chine ; dynastie Tang, 618-907 ; alliage de cuivre ; coll. Hans Merian-Roth, don 1938, IId 1650a

 

« Ce sera très avantageux si vous posez les têtes sur un simple socle en bois avant que vos amis du musée ne les voient » (Rolf Eisenhofer à Fritz Sarasin, 16 novembre 1929).

Exposer des têtes sur des socles reflète le goût de l’époque ou une éventuelle fonction. Les critères appliqués à une collection d’étude peuvent être différents de ceux d’une présen-
tation dans le cadre d’une exposition.

  1. Tête de statue ; Ban Chiang, Thaïlande ; XIIe/XIIIe siècle ; grès, pigments de couleur ; coll. Werner Rothpletz, don de succession 1980, IIb 3466

 

On ne peut déterminer avec certitude si cette tête de style khmer est un bouddha couronné ou une divinité hindoue en raison de l’absence de corps.

  1. Tête, sans doute d’une statue de bouddha ; Lop Buri, Thaïlande ; sans date ; grès ; ancien propriétaire Rolf Eisenhofer, Fritz Sarasin, don 1929, IIb 309

 

En 1929, le marchand Rolf Eisenhofer proposa au MKB de nombreuses têtes de bouddha, dont ces deux-là. Dans son contexte d’origine, un bouddha n’est pas un objet ornemental.
En tant que récipients pour les énergies spirituelles, les statues et les images de bouddha
font partie de la pratique du bouddhisme.

  1. Tête d’une statue de bouddha ; Lamphun, Thaïlande ; sans date ; alliage de cuivre ; Rolf Eisenhofer, achat 1929, IIb 300
  2. Tête d’une statue de bouddha ; Chiang Mai, Thaïlande ; sans date ; alliage de cuivre, plâtre ; ancien propriétaire Rolf Eisenhofer, FMB, dépôt 1929, IIb 301

 

La tête de bouddha en pierre de 36,6 kg provient d’un temple troglodyte de la province chinoise du Henan. Le MKB l’a achetée pendant la Seconde Guerre mondiale pour 500  CHF à un architecte de Riehen. Le socle correspondant permettait de présenter la tête en position verticale, tout en dissimulant les points de rupture du cou. La ligne noire sur la pierre montre la transition entre les zones visibles et invisibles.

  1. Tête de statue de bouddha ; Henan, Chine ; sans doute dynastie Wei, 220-265 ; sans doute en calcaire ; ancien propriétaire Emil Bercher, achat 1942, IId 1768

 

Alfred Sarasin-Iselin a acheté cette tête de bouddha à Munich et l’a offerte au musée en 1934. On ne sait pas encore avec certitude si le fragment provient des ruines du monastère bouddhiste de Takht-i-Bahi, dans la région antique de Gandhara.

Une tête de bouddha fonctionne comme une icône emblématique : en général, elle est facilement reconnaissable.

  1. Tête de bouddha ; région antique de Gandhara, Pakistan ; sans doute IIIe/IVe siècle ; calcaire, résidus de pigments ; coll. Alfred Sarasin-Iselin, don 1934, IIa 667

 

Il n’est plus possible de déterminer si ce fragment est le résultat d’une destruction violente ou si l’effritement naturel a provoqué la fragmentation. Sur l’objet, on trouve des traces d’un montage précédent qui prouvent que la petite tête a été présentée comme une pièce unique sur un socle, en privé ou en public.

  1. Tête de statue de bouddha ; Thaïlande ou Myanmar ; sans date ; grès, pigments de couleur, restes de plâtre ; coll. Paul Wirz, achat 1935, IIb 664

 

La représentation d’un bouddha était déjà établie dans les premiers textes bouddhistes ; elle s’impose encore aujourd’hui aux artistes et a peu évolué dans le contexte religieux.

  1. Tête d’une statue de bouddha ; U’Thong, Lop Buri, Thaïlande ; sans date ; alliage de cuivre, résidus d’or, résidus de pigments ; ancien propriétaire Rolf Eisenhofer, achat avec des fonds du legs Nötzlin-Werthemann, 1929, IIb 302
  2. Tête de statue de bouddha ; Ayutthaya, Thaïlande ; XIXe siècle ; alliage de cuivre, résidus d’or, résidus de pigments ; ancien propriétaire Rolf Eisenhofer, achat avec des fonds du legs Nötzlin-Werthemann, 1929, IIb 305
  3. Tête d’une statue de bouddha ; Ayutthaya, Thaïlande ; sans doute XVIIe siècle ; alliage de cuivre, bois, restes de dorures ; coll. August Meyer, don d’une succession 1977, IIb 3380
  4. Tête d’une statue de bouddha ; Ayutthaya, Thaïlande ; sans doute XVIe siècle ; alliage de cuivre, bois, adhésif ; coll. August Meyer, don d’une succession 1977, IIb 3379
  5. Tête d’une statue de bouddha ; Thaïlande ; sans doute XIXe siècle ; alliage de cuivre, restes de dorures, restes de pigment ; coll. Gotthelf Kuhn, legs 1975, IIb 3174
  6. Tête d’une statue de bouddha ; Thaïlande ; sans doute XIXe siècle ; alliage de cuivre, restes de dorures, restes de pigment ; coll. Gotthelf Kuhn, legs 1975, IIb 3175

 

« Belle grotte de Tham Phra. […] Un petit temple construit au premier plan, derrière lequel se trouvent de nombreux bouddhas en pierre, bois, argile et métal, dont beaucoup sont sans tête. C’est tout un tas de débris de bouddhas. Ce serait un bon endroit pour creuser, si c’est permis. Petite tête de bouddha emportée » (Carnet de voyage Fritz Sarasin).

  1. Tête de statue de bouddha ; Tham Phra, Chiang Rai, Thaïlande ; sans date ; engobe ; coll. Fritz Sarasin et Rudolph Iselin, don 1932, IIb 342

 

Ce buste a été offert par l’architecte suisse Charles A. Béguelin, qui vit en Thaïlande, au Bâlois Rudolph Iselin. La ligne de rupture traverse le haut du corps en diagonale. À l’aide d’une tige de fer, le buste a été monté sur un socle. La corrosion qui se développe sur la tige attaque le noyau coulé restant dans la statue et le décompose lentement. La tige sera retirée à la fin de l’exposition.

  1. Buste d’une statue de bouddha ; Thaïlande ; sans date ; alliage de cuivre ; ancien propriétaire Charles A. Béguelin, Rudolph Iselin, legs 1963, IIb 2153

 

L’envie de retrouver des statues complètes a stimulé les collectionneurs·euses, les marchands·es et les collaborateurs·trices des musées à créer des combinaisons créatives — lorsque, par exemple, des têtes sans corps étaient montées sur d’autres corps. Bien alignées et aidées d’un peu de colle, les points de rupture dissimulés et les différentes roches, compositions d’argile et les divers procédés
de fabrication sont à peine perceptibles. Sur certaines statues, la tête et le corps proviennent de la même culture, dans d’autres, de cultures et d’époques différentes.

  1. Statuettes ; Aztèques ; corps et tête : Mexique ; 1350-1521 ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectées de 1828-1837, IVb 1101
  2. Mère et enfant ; Sukhothai, Thaïlande ; avant 1971 ; céramique ; coll. Lucas Staehelin-von Mandach, don 1971, IIb 2960
  3. Figurine de crèche de Noël assise ; Mexique central ; 1550-1700 ; tête : sans date ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectionnée entre 1828 et 1837, IVb 1026
  4. Statuettes ; Aztèques ; corps et tête : Mexique ; 1350-1521 ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectées de 1828-1837, IVb 1148
  5. Statuette assise ; corps : Aztèques ; Mexique ; 1350-1521 ; tête : sans date ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectionnée entre 1828 et 1837, IVb 526

 

Un seul bras ou sans tête : les parties manquantes du corps attirent l’attention. Il n’est plus possible de déterminer si les points de rupture ont été provoqués intentionnellement ou si elles sont dues à la fragilité du matériau. On ne sait pas non plus à quel moment les  statues sont devenues des fragments : est-ce à cause de leur usage intense, du mode de conservation, les fractures sont-elles dues au transport vers le musée ? Les histoires cachées derrière les fragmentations sont probablement diverses, mais de nombreux objets gardent secrètes les raisons de leurs blessures.

  1. Statuette assise ; Sherbro, Sierra Leone ; sans doute XVe / XVIe siècle ; pierre ; ancien propriétaire W. Greensmith, Walter Volz, achat 1907, III 2557
  2. Deux statuettes debout ; Aztèques ; Mexique central ; 1350-1521 ; argile ; coll. Lukas Vischer, collectionnées de 1828 à 1837, IVb 471, IVb 441
  3. Statuette en argile; côte du Golfe, Mexique ; 500-900 ; argile ; coll. Antonie Staehelin-Schaarwächter, don 1951, IVb 2316
  4. Statuette d’un ecclésiastique ; Loèche, Valais, Suisse ; vers le XVIe siècle ; bois ; coll. Leopold Rütimeyer, don 1919, VI 8966
  5. Statuette de la Vierge avec enfant ; Winterschwil, Argovie, Suisse ; vers le XVIe siècle ; bois ; coll. Jakob Lörch, achat 1909, VI 3025
  6. Statuette de temple d’une musicienne ; Gujarat, Inde ; avant 1960 ; bois ; coll. Georges Gogel,
    achat 1960, IIa 2359

 

Les statues sculptées présentent souvent des caractéristiques sexuelles exagérées, telles que les parties génitales ou les seins. Pour les missionnaires chrétiens, en particulier, cette représentation sans gêne des caractéristiques sexuelles était une provocation. Les représentations sexuelles féminines et masculines ont donc été, dans certains cas, « neutralisées », en supprimant les parties génitales.

La sculpture reste très importante de la culture maorie jusqu’à nos jours. Les statuettes de toit comme celles-ci étaient fixées au faîte des entrepôts ou des maisons de rassemblement. Elles sont considérées comme des ancêtres qui guident et protègent les vivants.

  1. Statuette Tekoteko ; Ngāti Porou, Aotearoa-Nouvelle-Zélande ; avant 1911 ; bois (Podocarpus totara) ; coll. Jean de Hollain, achat et don 1912, Vc 241

 

Inspirées par les mythes de chasse et de protection, des statuettes féminines et masculines ont été créées le long de la rivière Yuat. De telles statuettes ont également été utilisées pour lutter contre les maladies.

Non seulement il manque à la statuette masculine en bois la tête et la figure animale sur le dos, mais derrière son tablier en fibres, le caractère sexuel a disparu également. La raison de cette neutralisation reste inconnue.

  1. Statuette masculine ; Yuat, Papouasie-Nouvelle-Guinée ; avant 1955 ; bois, fibres ; expédition
    Alfred Bühler 1956, achat 1962, Vb 17677

 

La destruction d’objets rituels et d’images religieuses faisait partie des pratiques missionnaires dès le XVIe siècle. Les missionnaires voulaient agir contre le « paganisme » en les brûlant, les brisant ou les démembrant. Les statues détruites étaient considérées comme un signe de victoire pour le christianisme et la mission et servaient de démonstration de pouvoir. Ces pièces représentant une divinité ou une statue ancestrale divinisée proviennent de la collection de la Mission de Bâle. Le missionnaire Gustave Pierre a
avoué lui-même avoir été impliqué dans l’incendie de « temples païens ».

  1. Statuette endommagée d’une divinité ou d’un ancêtre divinisé ; Inde du Sud ; avant 1904 ; argile ; collectionneur Gustav Peter, coll. Mission de Bâle, dépôt 1981, don 2015, IIa 9828

 

S’il n’y a que des fragments de représentations figuratives, l’identification de ce qui est représenté est souvent difficile. Ici, les attributs de la sculpture en pierre révèlent qu’il s’agit de la divinité hindoue Parvati, l’épouse de Shiva. Dans sa main droite, elle tient un cordon de prière, tandis qu’une tige de lotus avec bourgeon serpente sur le côté droit de son corps.
Dans sa main gauche, elle tient un chasse-mouche. Le point de rupture se situe au niveau des hanches ; tout le bas du corps et des parties des bras sont manquants. Les deux trous au fond témoignent des tentatives d’assemblage précédentes et des efforts pour dissimuler d’autres fractures.

  1. Parwati ; Java central, Indonésie ; IXe-XIe siècle ; pierre ; coll. Werner Rothpletz, achat 1980, IIc 18748

 

Borobudur est le plus grand temple bouddhiste du monde ; il est construit en forme de stupa et a la forme d’une pyramide à degrés accessibles. Les galeries des niveaux inférieurs sont flanquées de plus de 1300 panneaux en relief narratifs. Outre la vie et le parcours de Bouddha, on présente également des scènes de la vie quotidienne et rituelle à Java au VIIIe siècle. En suivant ces histoires, les pèlerins font plusieurs fois le tour du monument. La plaque de pierre est un petit extrait d’une série de personnages qui, étant sans suite,
restera incompréhensible : les points de rupture coupent le lien avec le récit complet.

  1. Fragment de relief en pierre ; Borobudur, Java central, Indonésie ; sans doute VIIIe-IXe siècle ; pierre ; dépôt FMB 1964, IIc 15924

 

« L’absence d’une partie de l’oreille et des bijoux permet d’identifier clairement le travail de réparation ».

Dans les années 1960, l’achat de ce bodhisattva Padmapani a fait l’objet de nombreux débats au sein du MKB. La fracture en diagonale sur le dos, la tête redressée et les espaces vides au niveau de l’oreille et des bijoux ont finalement conduit à la décision de ne pas acheter la statue. Cependant, comme le dépôt de  Richard Koch n’a jamais été liquidé, son épouse Rose a offert la statue au musée après la mort de son mari. Padmapani, le « Porteur de Lotus », incarnant la compassion ultime, est une manifestation du bodhisattva Avalokiteshvara. Même la tige de la fleur de lotus dans la main gauche de la statue est brisée, la fleur flotte dans l’air en raison du point de rupture camouflé.

  1. Bodhisattva Padmapani ; Java central, Indonésie ; sans doute XIe-Xe siècle ; pierre ; dépôt Richard E. Koch 1964, don de Rose Koch-Lampert 1984, IIc 15925

 

Dans l’architecture hindoue, les nymphes célestes sont souvent représentées de manière dynamique et en mouvement. Séparé du bas du corps, le mouvement de ce fragment en relief ne peut être que deviné. La pièce métallique hexagonale au niveau du dos a probablement été ajoutée après le démembrement. Cette pièce devait probablement permettre le montage vertical sur un mur, afin que la moitié de la nymphe puisse être mise en valeur au mieux. Involontairement, la barre métallique est devenue le témoin de la mise en place de dispositifs brutaux et expose maintenant, en tant que support, les bords de la fracture dans la pierre.

  1. Fragment de nymphe céleste ; Inde du Sud ; avant 1975 ; pierre, métal ; coll. Gotthelf Kuhn, legs 1975, IIa 6551

 

Le relief faisait sans doute partie d’un char de temple indien. Les tenons en bois sur le dessus et le dessous montrent qu’il était intégré à une scène plus grande. Tirée de son contexte, la scène représentée est difficile à interpréter. C’est peut-être l’histoire de Shiva, incarné par Kalari-Murti, qui promet la jeunesse éternelle au jeune Markandeya pour sa dévotion.

  1. Fragment de statuette d’un char de temple ; Inde ; sans doute milieu du XXe siècle ; bois ; coll. Kurt et Susanne Reiser-Erny, don 2005, IIa 11414

 

Les représentations de divinités servent à communiquer avec le divin et font partie intégrante de  l’architecture sacrée hindoue. Le relief en bois représente l’histoire du sauvetage de Gajendra, le roi des éléphants. Lorsque celui-ci est attaqué par un crocodile, incarnant l’impulsivité, le dieu Vishnu apparaît. Sur sa monture, l’aigle solaire Garuda représenté sous forme humaine, il se précipite au secours de Gajendra.

La scène était entourée d’autres représentations, comme en témoignent les bords abruptes de la fracture. Une masse verdâtre devait permettre de masquer les lignes de fracture et de compléter les parties manquantes.

  1. Relief de la divinité Vishnu ; Inde ; vers 1880 ; bois ; Museum.BL, dépôt depuis 1998, IIa 11131

 

Des chars de procession en bois sont tirés à travers les villages ou les villes à l’occasion de fêtes. Ils racontent des histoires de divinités hindoues à ceux qui ne peuvent pas visiter le temple. Le Subramanya à plusieurs têtes et à plusieurs bras est assis sur sa monture, un paon, symbole de l’immortalité. Sa main droite avant montre le geste de protection tandis que la main gauche fait le geste de reconnaissance des souhaits. Son pied droit repose sur une fleur de lotus, symbole de pureté et référence à sa mère Ganga, la déesse du fleuve Gange.

  1. Subramanya, fragment de statuette d’un char de procession ; Inde du Sud ; début du XXe siècle ; bois ; coll. Jean Eggmann, don 2003, IIa 11354

 

Sur ce fragment d’un char de procession, on peut voir une danseuse richement ornée ou une nymphe du ciel. Alors que les bords de fracture à gauche et à droite indiquent un retrait soigneux de la statue, la bordure inférieure a visiblement plus souffert lors de l’acte de division. De nombreux trous percés à l’arrière rendent compte de montages antérieurs. 

  1. Fragment de statuette d’un char de procession ratha ; Inde ; avant 1933 ; bois ; coll. Jean Roux, don 1933, IIa 665

 

La danseuse est représentée dans la posture tribhanga, la triple flexion au niveau des épaules, des hanches et des genoux. Cela rappelle les styles de danse classique indienne. Dans sa main au-dessus de sa tête, elle tient une queue de yack, dont la pointe a été sacrifié lors de la découpe du relief. Le bord déchiqueté de la fracture sur le côté droit donne une idée de la force qui a été nécessaire pour extraire la danseuse
de l’histoire qui l’entoure.

  1. Fragment de bois avec représentation d’une danseuse ; Inde ; XXe siècle ; bois ; coll. Ernst Handschin, don 1994, IIa 10904

 

Des reliefs en terre cuite ont orné de nombreux temples de la région du Bengale du XVIIe au XIXe siècle. La déesse hindoue Kali présente un caractère ambivalent : d’une part, elle est la déesse de la destruction et de la mort, d’autre part, elle est vénérée comme une déesse-mère aimante. Dans son apparence courroucée, Kali a quatre bras, elle tient dans ses mains une épée et la tête coupée d’un démon. Son mari, le dieu Shiva, s’est jeté à ses pieds pour la calmer dans sa colère furieuse.

  1. Relief de la déesse Kali ; Bengale, Inde ; XVIIIe/XIXe siècle ; argile, bois, couleurs ; coll. Mission de Bâle, dépôt 1981, don 2015, IIa 9825

 

Kali est une représentation courroucée de Durga, l’une des divinités féminines les plus populaires des religions hindoues. La statue assise sur ce relief pourrait représenter Durga. Les deux femmes à gauche et l’homme à droite de Kali sont probablement des admirateurs·trices. Jadis brisés, les reliefs en argile sont aujourd’hui maintenus par des plaques de bois et de la colle. La date de réparation des points de rupture est
inconnue.

  1. Relief de la déesse Kali ; Bengale, Inde ; XVIIIe/XIXe siècle ; argile, bois, couleurs ; coll. Mission de Bâle, dépôt 1981, don 2015, IIa 9827

 

À Sarhua, au Pérou, des maisons sont construites avec l’aide d’amis et de membres de la famille. Un couple est choisi comme parrain pour la bénédiction de la maison. Sa tâche consiste à fabriquer et à peindre la poutre de support du plafond. La dédicace mentionne leurs noms et la date d’achèvement. Les peintures représentent des saints, des membres de la famille et des participants à la construction dans leurs activités typiques, ainsi que le soleil. À Sarhua, on fabrique aujourd’hui, à échelle industrielle, des poutres de maison peintes de différentes tailles.

  1. Poutre de support avec peintures pour la bénédiction de la maison ; Sarhua, Ayacucho, Pérou ; 1976 ; Valentin Jaquet, don 2012, PE 813

 

Les maisons cérémonielles chez les Kwoma avaient des toits en forme de V et étaient ouvertes des deux côtés. Des poutres faîtières sculptées prolongeaient visuellement les toits. Les visages en bois et les oiseaux regardaient de haut sur les humains. Alors que les peintures et les sculptures à l’intérieur restaient cachées aux non-initiés, les poutres faitières étaient visibles de loin. Exposées aux intempéries, les sculptures ont progressivement perdu leur structure et leur couleur. La date à laquelle cette poutre faîtière s’est brisée en deux n’est pas connue. Après son arrivée au MKB, l’oiseau a été rattaché à la poutre en 1965. Le clou, la
colle et le trou rappellent encore les efforts pour dissimuler les points de rupture.

  1. Poutre faîtière en deux parties ; Kwoma ; Washkuk Hills, Papouasie-Nouvelle-Guinée ; avant 1955 ; bois, couleur ; Alfred Bühler et Dadi Wirz, achat 1963, Vb 19919a+b

 

Certaines poutres faîtières sont arrivées au musée en pièces détachées. Les ailes brisées de la statue en forme d’oiseau font apparaître le bois clair et donnent une idée de la violence du coup. Le point de rupture visible au bas de la poutre indique l’existence d’une continuité de la pièce.

  1. Partie de poutre faîtière ; Kwoma ; Washkuk Hills, Papouasie-Nouvelle-Guinée ; avant 1955 ; bois ; Alfred Bühler et Dadi Wirz, achetés en 1963, Vb 19922

 

Les décorations sur les bâtiments étaient des objets de collection populaires pour les ethnologues. La pièce décorative est une tête de démon sans mâchoire inférieure, avec une barbe florale et de grandes canines (karang tapel).

  1. Pièce décorative avec motif karang tapel ; Bali, Indonésie ; avant 1938 ; bois, peinture, peinture dorée ou restes de feuilles d’or ; coll. Ernst Schlager, don Sandoz SA 1938, IIc 7053

 

Les trous d’insertion sont les témoins des liaisons coupées avec l’ancien bâtiment. Le socle de support d’un pilier de toit central montre un couple princier (peut-être Rama et Sita) en posture de danse ainsi que des têtes de Bhoma sur les côtés (karang bhoma) et des têtes de corbeau comme décoration d’angle (karang goak).

  1. Socle de support sendi, pour pilier de toit central ; Sanur, Bali, Indonésie ; avant 1980 ; bois, couleur ; acheté par Urs Ramseyer en 1980 dans le cadre d’un voyage de recherche, IIc 19507

 

En plus de la qualité artistique et de l’expressivité esthétique, les éléments architecturaux incarnent des aspects et des idées de l’hindouisme balinais et de la vision du monde qui y est associée. Le trinôme, composé en monde supérieur, moyen et inférieur, détermine également le type de construction des bâtiments, constitués d’un élément principal (toit), d’un corps (pièce d’habitation) et des pieds (base). Les socles de support (sendi) sont utilisés soit dans les fondations comme base pour les piliers, soit comme socle des piliers pour la charpente qui soutient la poutre faîtière. La tête du démon Bhoma est l’un des éléments ornementaux les plus frappants de l’architecture balinaise. On trouve son visage avec ses grands yeux ouverts et ses canines effrayantes dans les entrées des temples ou des palais, ainsi que dans les socles de support. Fils du dieu Wisnu et de la déesse de la terre Pertiwi, il naît démon de la terre et de l’enfer. Il crée un effet apotropaïque sur les pièces architecturales : il protège des influences négatives et
repousse les mauvais esprits.

  1. Socle de support sendi, d’une construction de toit avec tête de Bhoma ; Bali, Indonésie ; avant 1937 ; bois, peinture ; coll. Theo Meier, achat 1937 , IIc 6869
  2. Socle sendi, avec tête de Bhoma ; Bali, Indonésie ; avant 1960 ; bois, peinture ; coll. W. Rothpletz, don de la succession 1981, IIa 18881
  3. Socle sendi, d’un poteau de maison avec tête de Bhoma ; Klungkung, Bali, Indonésie ; avant 1972 ; bois ; acheté par Urs Ramseyer en 1972/73 lors d’un séjour de recherche, IIc 17611.
  4. Socle de support sendi, avec tête de Bhoma; Klungkung, Bali, Indonésie ; avant 1930 ; bois, peinture ; coll. Paul Wirz, achat 1930, IIc 2758a+b

 

Les palais, les maisons de dignitaires et les lieux de rencontre au Cameroun ont souvent été conçus avec des sculptures élaborées. Des représentations humaines ornaient les supports des poutres et les piliers des portes. Disposés les uns sur les autres, les personnages tenaient souvent à la main des objets tels que des cornes à boire, des calebasses ou des trophées. Avec ce poteau, on ne peut qu’imaginer ce que la statue du milieu tient dans ses mains.

  1. Poteau ; Cameroun ; avant 1921 ; bois ; coll. Herman Rolle, achat 1921, III 5621

 

Chez les Marind-anim, différentes constructions ont été érigées pour la vie sociale et culturelle. L’ethnologue Paul Wirz a qualifié cette pièce architecturale de « poteau d’une cabane de fête ». La fourche au sommet servait probablement de surface d’appui et de support pour les poutres horizontales. Sculptures et peintures ornent le poteau. Alors que le visage humain regarde vers le bas, deux crocodiles s’enroulent autour de l’œuvre à gauche et à droite.

  1. Poteau d’une cabane de fête ; côte sud-est, Papouasie, Indonésie ; avant 1923 ; bois, peinture ; coll. Paul Wirz, don 1923, Vb 6318

 

En tant que piliers, de telles sculptures soutiennent les toits des vérandas dans la cour intérieure du palais royal d’Idanre. Les cicatrices ornementales décorent le visage, la  poitrine et les bras de cette sculpture, qui représente probablement un guerrier mythique de haut rang. L’ouverture au-dessus de la tête servait de point d’insertion pour une autre poutre.

 

  1. Pilier ; Idanre, Nigeria ; avant 1976 ; bois, pigments de couleur ; coll. L. Doumbia, achat 1976, III 19535

 

  1. Close-Up
    Photos de détails d'objets de l'exposition «Fragments», 2022
    © MKB, Photographe Omar Lemke et membres de l'équipe de Conservation & Restauration

IIa 9825, Relief de la déesse Kali ; IIa 9827, Relief de la déesse Kali ; IIb 300 Tête d’une statue de bouddha ; IIb 301, Tête d’une statue de bouddha ; IIc 23, Bac pour la cuisson du pain ; IIc 333, Cercueil en tronc d’arbre ; IIc 15925, Bodhisattva Padmapani ; IIc 18881, Socle sendi, avec tête de Bhoma ; IIc 19865, Statuette commémorative des morts kapatong ou tempatong ; IId 1768, Tête de statue de bouddha ; IId 6062, Manteau hanten ; IId  10766, Bol à thé chawan ; III  1391, Statuette de puissance nkisi nkonde ; III  2007, Reliquaire byeri ; III 3025, Statuette de puissance nkisi ; III  3670, Statuette de puissance nkisi ; III  4019, Statuette de puissance nkisi nkonde ; III 5078, Statuette de puissance biteki ; III 13136, Calebasse ; III 13137, Calebasse ; III 14527, Bol ; III 14790, Coupe en bois ; III 18076, Chemise (sans doute) d’un musicien ; III 20694, Chemise de chasseur ; III 23539, Statuette Sakpata ; III 23807, Foulard ntshak ; III 26439, Chemise de chasseur ; III 24800, Calebasse ; IVb 3870, Chemisier mola ; IVb 5438, Tête Smiling Faces ; IVc 26753, Statue masculine foonhunraaga ; VI 31754, Travail monastique avec des reliques ; IVb 4501, Tête d’une sculpture creuse ; Vb 4715, Plat creux ; Vb 4976, Récipient en bois ; VI 1442, Coupe ; VI 3412, Cruche ; VI 8066, Tapis ; VI 23927a, Bénédiction de la maison ; VI 66278, Chaudières en cuivre ; VI 69262, Costume de carnaval ; VI 70518.05, Bac à crème Gebse ; VII 597, Vêtement chamanique 
 

Atelier de démonstration – Aperçu de la restauration

À chaque exposition, l’équipe de conservation et de restauration assume des tâches importantes, la plupart du temps loin des yeux du public. Dans l’exposition « Fragments », les collaborateurs·trices donnent un aperçu de la diversité de leurs activités.

Traiter – Lors de la préparation des objets pour les expositions, il faut d’abord déterminer s’ils peuvent être exposés dans leur état actuel ou s’il faut y apporter des modifications. En d’autres termes : conserver ou restaurer ? Faut-il éliminer la saleté ou la rouille nocive ? Quand faut-il coller ou coudre un objet ? Quand nécessite-t-il un complément ? Comment traiter un objet pour éviter qu’il ne subisse d’autres dommages ? Quel doit être le degré de visibilité de l’intervention ? Toutes ces réflexions se concentrent toujours sur la préservation de l’objet.

Examiner – Notre compréhension d’une œuvre est toujours fragmentaire. Nous examinons les surfaces d’un objet au microscope ou à l’œil nu. Ce que nous voyons et expérimentons est comparé aux connaissances spécialisées les plus actuelles sur les matériaux et les techniques, ainsi qu’aux informations dont nous disposons sur l’histoire d’un objet.

Documenter – Tous les objets sont soumis à des processus de vieillissement et présentent des signes d’utilisation. En outre, l’état actuel de l’objet peut être marqué par les réparations historiques, les  restaurations et les présentations précédentes. C’est pourquoi, il est essentiel de documenter l’état d’un objet par écrit et en photo avant et pendant son traitement. Ces documentations constituent une base pour les traitements ultérieurs.

Nous faisons pousser un tissu 

Nous vous invitons à travailler ensemble à la création d’un fragment textile. Laissez-vous inspirer par les textiles de l’exposition. La largeur de la bande de tissu qui en résulte correspond, avec 38 centimètres, à la largeur de tissage d’un kimono japonais, également utilisée comme base pour les robes des Aïnous, comme vous pouvez le voir dans l’exposition. 

Le début est fait, le tissu s’agrandit de plus en plus : ajoutez d’autres bandes de tissu colorés à la bande de tissu existante à l’aide du point avant. Si vous le souhaitez, vous pouvez orner ces bandes de tissu avec des boutons, des miroirs, des pièces de monnaie et d’autres accessoires. Toutes les techniques dont vous avez besoin sont présentées dans le film.

À la fin de l’exposition, nous confectionnerons avec le tissu obtenu des petits sacs de style japonais qui seront tirés au sort. Votre ticket d’entrée fait office de bulletin de participation. Veuillez écrire votre nom et votre adresse sur le ticket, puis déposez-le dans la boîte mise à disposition. Les gagnantes et gagnants seront désignés à la fin de l’exposition « Fragments ». Avec un peu de chance, l’un des sacs sera le vôtre.